Dans une époque où l’introspection devient spectacle et le chaos une esthétique, il fallait bien qu’un disque comme Bones’n’Stones existe. Teika & The Raw Beat, projet incandescent de Mateja Kert, trace un sillon rare : une traversée de soi qui mêle la tourbe d’un bayou imaginé aux vents cinglants d’une lande irlandaise, le tout capturé entre les murs veloutés du Famous Gold Watch Studio de Berlin. Plus qu’un album, une transe. Une fièvre douce qui tord l’Americana, le post-rock et le romantisme viennois en une masse sonore vivante, fragile, hurlante.
Dès “The Garden”, l’ouverture est cinématographique, presque Lynchienne : une progression lente, l’ombre d’un piano, un souffle inquiet. Puis “Overdrive” surgit, plus nerveux, presque cabossé — comme une chevauchée nocturne sur une autoroute intérieure. “Mr. Saviour” s’amuse du prophétique avec une ironie noire, là où “Ragged Plumes” fait vibrer les plumes déchirées de l’époque, entre envol et incandescence, au bord de l’implosion.
Mais c’est dans les morceaux plus nus que l’album brille. “Angel at My Door” est une caresse d’outre-monde, un chant d’appartenance qui frôle la prière. “Gone With The Wind”, quant à lui, n’a rien d’une bluette : c’est un effacement conscient, une disparition lucide. “To My Knees” touche au sacré dans sa rudesse même, là où “Naked Eye” et “Save A Light” effleurent le post-rock des origines, Sigur Rós ou Mogwai en ligne de fuite.
Et puis il y a “Falling In Love” — centre de gravité du disque, lent tremblement d’une humanité possible, trop belle pour être vraie. C’est le moment où Teika ne joue plus. Elle est. Sa voix rauque, presque animale, glisse sur des cordes organiques, des cuivres discrets, une pulsation qui ne cherche jamais à séduire mais à dire. C’est là, peut-être, que l’album bascule du très bon au nécessaire.
Teika & The Raw Beat ne cherchent pas à plaire. Ils cherchent à toucher. À l’endroit exact où ça fait mal, mais aussi là où ça soigne. Bones’n’Stones est un disque de vertiges, de seuils, de combats intérieurs. Une ode à ceux qui avancent à genoux, crient sans bruit et rêvent encore, malgré tout, de beauté.
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