Il y a des chansons qui n’avancent pas, elles flottent. Don’t Look Back, le dernier sortilège signé Dream Bodies, ne court pas après le futur — il le scrute, dos tourné au passé, les yeux noyés de pluie et de synthés. Steven Fleet, exilé volontaire de projets cultes comme Magic Wands ou Boytronic, signe ici un morceau comme un souvenir impossible à effacer : vaporeux, grave, tremblant d’échos perdus. Une chanson pour quitter une ville, un amour, une version de soi-même.
Le morceau est un revenant. Né d’une session avec Dexy Valentine (Magic Wands) au temps du projet Starlit Motel, Don’t Look Back a dormi quelque part entre les machines, les carnets oubliés, les soirs de spleen cosmique. Steven Fleet l’a exhumée, transformée. Ce n’est plus tout à fait la même chanson, mais l’âme, elle, n’a pas bougé d’un iota. Le cœur bat toujours au même endroit : juste entre la fuite et le regret.
Il y a du Disintegration-era Cure dans les guitares suspendues, du Cocteau Twins dans la façon dont les voix s’évanouissent sans jamais vraiment disparaître, du Clan of Xymox dans la façon de fixer l’horizon sans jamais cligner des yeux. C’est du post-punk qui a fait la paix avec ses ombres. Du darkwave qui accepte de se laisser caresser. De la dream pop qui a rangé ses illusions.
La basse martèle, obstinée, comme les pas sur le quai d’une gare qu’on ne quittera peut-être jamais. Les synthés ouvrent un ciel bleu-noir, l’heure exacte où l’on ne sait plus s’il fait encore jour ou déjà nuit. Et Fleet, voix de mirage, murmure comme une incantation : “Don’t look back / Keep your eyes on track / When the sky’s blue and black”. On dirait une comptine pour adultes abîmés. Une élégie froide, mais rassurante.
Tout est là : le train qui ne vient pas, l’amour évaporé avec “des étoiles dans les cheveux”, les lignes qui s’effacent sous la pluie. Et pourtant, Don’t Look Back n’est pas désespéré. Il est résigné avec grâce. Un morceau à écouter seul, casque vissé, entre deux destinations. Un adieu qui ne pleure pas, mais qui scintille. Une main lâchée sans trembler. Un dernier regard… que l’on décide de ne pas tourner.
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