On pourrait croire à un cliché néo-romantique, tant le décor semble écrit à la plume d’un feuilleton pop : une voix féminine enregistrée à même les parois métalliques d’une cabine de croisière, un guitariste-designer hanté par la mémoire visuelle des géants (de Sleep Token à Ozzy, en passant par Dua Lipa), et un duo qui, plutôt que de dérouler leur œuvre au fil de l’eau, choisit de l’enfouir, de la laisser maturer comme une archive secrète, avant de la faire déferler en tsunami sonore. Still Dancing Tonight est donc bien plus qu’un single : c’est une faille tectonique, un premier grondement avant la rupture de digue.
Musicalement, c’est un classic rock transfiguré. Pas de pastiche ici : le morceau respire une compréhension fine de ses ascendants — le lyrisme incandescent de Fleetwood Mac, les attaques sèches de Pretenders, la sensualité rythmique d’un Eagles sous perfusion new wave. Mais le son est moderne, poli par l’auto-production ciselée de Paul Mead, qui pense chaque riff comme un objet de design sonore.
La voix de Gemma, captée dans les conditions précaires du large, est paradoxalement ce qui offre au morceau son ancrage émotionnel. Il y a dans ce grain lointain, cette fragilité maîtrisée, quelque chose d’inédit : un classicisme vocal qui n’imite jamais mais restitue l’émotion nue. Le refrain, jamais crié, semble toujours retenu à la dernière seconde — comme si la danse évoquée n’était jamais tout à fait terminée, ni tout à fait commencée.
On retrouve dans Still Dancing Tonight une esthétique de l’attente, une tension quasi cinématographique qui rappelle l’écriture narrative de Lana Del Rey ou même d’un Bruce Springsteen période Tunnel of Love. Tout y est suspension. Et c’est précisément dans cette latence que se loge la beauté du morceau : il ne cherche pas l’effet, mais le souvenir. Celui d’une fête qu’on aurait vécue ailleurs, sous d’autres étoiles, mais dont l’écho continue de vibrer dans nos corps immobiles.
Avec cette première salve d’une offensive sonore annoncée, Glass Rumours ne cherchent pas à séduire, mais à hanter. Et ils y parviennent avec une élégance rare.
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