Il y a des disques qu’on attendait sans le savoir. There Is Time, premier album chanté de Vincent van Warmerdam, est de ceux-là. Pendant quarante ans, le Néerlandais a tout fait : théâtre, bandes originales, tubes décalés, romans semi-autobiographiques. Il a composé pour des beat bands fictifs, des films cultes, des opéras rock. Il a été dans l’ombre, et maintenant, il entre dans la lumière, sans frime, mais avec une pudeur poignante.
Le disque est une traversée. Un album de cabane où se réfugient les fantômes d’Allen Ginsberg et de Dorothy Parker, les spectres de chansons inachevées et les échos d’un monde intérieur aux contours folk, blues et doucement psychédéliques. C’est un patchwork d’arpèges, de voix amies, de violons suspendus, de claviers lunaires, et surtout de silences habités. Van Warmerdam, qui aurait pu continuer à livrer ses morceaux à d’autres voix (Cato van Dijck, Djurre de Haan, Theo Sieben répondent toujours présents), choisit ici de se dévoiler. Et sa voix – fragile, timide parfois – devient l’outil d’une sincérité désarmante.
Chaque morceau semble remonter d’une mémoire affective, entre souvenirs d’enfance dans un cinéma d’IJmuiden, rêveries littéraires, et réminiscences musicales allant de Randy Newman à Ry Cooder, en passant par les harmonies fantômes des Beach Boys. There Is Time n’est pas un album de jeune homme pressé. C’est un album de funambule, à l’équilibre entre mélancolie et sagesse. Le chant n’y est pas performance, mais acte d’acceptation. Le temps y est à la fois sujet, matière, et moteur : le temps qui manque, celui qui reste, celui qu’on rêve de suspendre.
C’est un disque pour l’aube, ou pour les fins de journée sans gloire, mais pleines de tendresse. Une offrande tardive, oui. Mais essentielle. Parce qu’il fallait du temps pour la chanter juste.
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