J’aurais voulu écrire cette critique dans le vent des falaises, là où les mots se froissent dans les bourrasques et où les souvenirs sentent l’algue, la tourbe et la fin d’un monde. Mais je suis à Paris, et pourtant Oriana Bohème m’y a conduit — dans ces paysages désolés d’Écosse où elle a enregistré Paper Tigers, seule face à ses spectres, dans un studio battu par les marées. C’est là que naît cette chanson, comme une lettre échappée d’un naufrage, portée par la voix d’une inconnue qui semble avoir tout perdu, sauf l’essentiel : la capacité d’émouvoir, jusqu’à l’os.
Paper Tigers n’a rien d’un single de lancement, c’est une offrande crue, quasi médiévale dans sa nudité, où la musique semble ramper dans l’ombre des ruines. Pas de refrains faciles ici, pas d’effets de manche. Juste une dramaturgie intime, presque violente dans sa retenue. C’est de l’art-pop dans sa forme la plus dépouillée : un chant de cendres, des arrangements comme des mirages (signés Peter Fletcher), et cette impression qu’on écoute quelque chose qu’on n’aurait peut-être pas dû entendre. Quelque chose de trop vrai.
Oriana, on ne sait pas encore qui elle est, mais déjà, on sent que c’est une voix qui se passera très bien de notre validation. Elle a écrit cette chanson comme on écrit son nom dans la glace, pour mieux le voir fondre. Elle chante à demi-mot, mais l’écho est immense. Rien d’instinctif n’est laissé au hasard, et tout y respire la maîtrise d’une urgence vitale.
On aimerait qu’elle reste mystérieuse encore un peu. Qu’elle continue à surgir comme ça, sans prévenir, à contre-temps. Car si Paper Tigers est le début, alors le reste s’annonce incandescent. Oriana Bohème ne cherche pas la lumière, elle la sculpte dans l’obscur.
Pour découvrir plus de nouveautés du moment, n’hésitez pas à suivre notre Playlist EXTRAVANOW ci-dessous :
