Il y a dans Firmament: Redux cette tension propre aux grandes œuvres : un écart permanent entre le poids du corps et l’apesanteur de l’esprit. Entre ce qui nous retient au sol et ce qui nous pousse à lever les yeux. Apeiron Bound ne se contente pas ici de revisiter un morceau clé de Multiplicity datant de 2022. Ils proposent une expérience liminale, un entre-deux où le metal progressif devient philosophie appliquée.
Musicalement, la piste est une lente combustion. Les guitares d’Andrew Stout et Cody Letts se tordent comme des filaments solaires, tantôt abrasives, tantôt lumineuses. Les lignes vocales de John Galloway et Keith “Tank” McDowell, en alternance growls/soul, traduisent un dialogue intérieur : celui de l’humain confronté à l’inconnu. Galloway incarne le doute viscéral, la voix de la matière ; McDowell, lui, est l’aspiration, le souffle de l’éther. Leur superposition crée un effet miroir où chacun peut reconnaître ses propres contradictions.
À mesure que le morceau se déploie, la section rythmique (Huffman à la batterie, Sokol à la basse) devient un métronome cosmique. Le tempo semble respirer, ralentir puis accélérer, comme une planète dans son orbite. Ce choix de production (Jack Kosto, précis et aérien) renforce l’impression d’un espace-temps fluide, où la frontière entre intérieur et extérieur se dissout.
Mais Firmament: Redux n’est pas qu’un tour de force technique. Le texte s’aventure sur un terrain rarement exploré en metal : celui de la métaphysique. “Above the dome is home / Beyond the firmament, could it all be real?” Ces vers convoquent la mémoire des cosmogonies antiques, mais aussi le vertige contemporain face à l’infini. On y entend un écho des Prométhées modernes, de Carl Sagan à Brian Greene, qui osent encore poser la question : que sommes-nous face à l’univers ?
En cela, Apeiron Bound rappelle que le metal progressif est un terrain fertile pour l’introspection. Là où d’autres genres fragmentent le réel, le collectif tisse une tapisserie où l’angoisse existentielle devient esthétique. Ici, chaque riff est un coup de pinceau sur une fresque cosmique, chaque silence un abîme où l’auditeur est invité à plonger.
À la fin, Firmament: Redux laisse une impression troublante. Ce n’est ni une fin, ni un commencement, mais une orbite : un cycle infini de questionnements et de découvertes. Apeiron Bound signe une œuvre qui transcende les genres, rappelant que dans l’exploration musicale, comme dans la recherche de sens, ce n’est jamais la destination qui compte, mais le voyage.
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