Vingt-cinq ans de pause. Vingt-cinq ans à construire, déconstruire, survivre et renaître, loin des studios et des scènes. Gatis, compositeur letton et ancien leader du duo pop culte Duets DIVI, revient en 2024 avec une sagesse brute et des mélodies qui coulent de ses doigts comme si elles n’avaient jamais cessé d’exister. Derrière son piano, il improvise des thèmes qui semblent convoquer à la fois la nostalgie d’Enigma et la dramaturgie d’Hans Zimmer, mais il refuse de se laisser enfermer : sa musique est mouvante, pop-ambient, traversée d’accents classiques et d’instinct pur.
Avec Stay.Theme, son nouveau projet, Gatis pose un pied dans le futur tout en gardant l’autre enraciné dans sa Lettonie natale, terre de chants folkloriques, de feux de joie et de pain noir. Ce retour est moins un come-back qu’un acte de foi : foi en la musique, en l’intuition, en la capacité d’un artiste à se réinventer après avoir exploré la jungle du business et de la vie. Rencontre avec un homme qui a appris à écouter le silence, pour mieux laisser parler les notes.
Qui es-tu ?
Je suis Gatis. Un homme. Je viens de Lettonie – un petit pays au bord de la mer Baltique où l’on mange du pain noir et des pois gris, où l’on chante des chansons folkloriques, porte des couronnes de feuilles de chêne et saute par-dessus des feux de joie chaque année, dans la nuit du 23 au 24 juin. Je compose et produis ma propre musique.
Quel est ton parcours (formation et expérience) ?
Je suis pianiste. Après avoir étudié à l’école de musique Emīls Dārziņš, j’ai commencé à travailler en studio d’enregistrement, principalement en produisant ma propre musique. En parallèle, j’ai étudié l’architecture, puis la gestion d’entreprise. De 1994 à 2000, j’ai connu une période très active dans ma vie musicale – plusieurs projets musicaux personnels couronnés de succès. J’ai fondé le groupe pop « Duets DIVI », qui fut à l’époque l’un des projets pop les plus commercialement réussis en Lettonie. Entre 1995 et 1999, j’ai produit plus de 10 albums et compilations, tout en menant une intense activité de concerts et de travail en studio. Ensuite, divers événements dans ma vie personnelle m’ont conduit à faire une « pause » dans la musique qui a duré jusqu’en 2024. À partir de 2000, j’ai développé avec succès plusieurs entreprises pour mes partenaires dans des secteurs très variés, puis j’ai créé mes propres sociétés. Avec le temps, tout cela m’a apporté une expérience très concrète et une compréhension des processus réels, du business, des relations humaines et de la survie en période de crise, ce que je considère aujourd’hui comme un atout. Et maintenant, en dialoguant beaucoup avec des musiciens et des professionnels de la musique, je constate que beaucoup n’ont jamais été confrontés à ces réalités ou, en tant que créatifs, en ont une vision très illusoire, en particulier du côté technique et pratique. Aujourd’hui, je suis de retour dans l’industrie musicale et j’ai la possibilité d’y appliquer cette expérience « de la jungle ».
Comment décrirais-tu ta musique en quelques mots ?
Ce serait plus simple de la jouer au piano que de t’en parler. Ce qui est actuellement disponible au public n’est qu’une infime partie de ce qui est en préparation, et cela ne donne pas une image fidèle de ma musique dans son ensemble. Elle est très variée, selon l’humeur, l’idée… Elle naît spontanément ; ce n’est pas un processus long et laborieux. Je m’assieds au piano, j’improvise et dès les premières notes, la mélodie, les thèmes, l’harmonie surgissent.
On pourrait globalement la qualifier de pop/indie pop-ambient très mélodique et harmonieuse, saupoudrée d’une touche classique, où la mélodie et l’harmonie dominent vraiment. On peut se faire une idée un peu plus précise de mes morceaux publiés en visitant mon site www.gatismusic.com ainsi que mes profils Spotify et YouTube.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
L’inspiration vient naturellement – des événements du quotidien, de la météo, des relations humaines et des attitudes face aux événements mondiaux, de la nature, de réflexions personnelles et des conclusions que l’on en tire… Un peu de tout.
Qu’écoutes-tu en ce moment ? (Quelle est ta playlist actuelle ?)
J’ai une histoire un peu particulière à ce sujet. Beaucoup de gens m’ont déjà posé cette question et ma réponse est à peu près celle-ci : une « playlist » est surtout une étape du début du parcours d’un musicien, quand on « fanboy » ou « fangirl », qu’on admire certains artistes, qu’on a des « idoles » et qu’on veut les imiter, à une époque où on n’est pas encore soi-même, où notre signature musicale est encore en formation, et où l’on a besoin d’exemples pour se projeter. C’est pareil dans le sport, les arts visuels et ailleurs. Puis, avec le temps, on réalise qu’on veut et qu’on peut être soi-même, et qu’on puise son inspiration et son énergie créative dans sa propre vie et dans ce qui nous entoure. Avoir une playlist signifie écouter régulièrement de la musique, mais en écoutant trop certains compositeurs, on finit forcément par être influencé et on le ressent dans ses propres créations. Dans les années 90, bien sûr, tout le monde en Lettonie écoutait Depeche Mode, U2, Madonna, Enigma, et bien d’autres groupes populaires de l’époque. Mais aujourd’hui, j’essaie d’éviter d’écouter quelque chose de précis. Seulement en surface, pour comprendre les tendances actuelles de la pop. Parfois, pour reposer mes oreilles de mes propres sons, j’écoute de la bonne musique de film en voiture – Morricone, Zimmer, Gregson-Williams, Trevor Morris… C’est différent, car une bonne musique de film fait réfléchir, ressentir des émotions ; elle sonne différemment à chaque écoute et on y découvre toujours quelque chose de nouveau, même professionnellement.

Quel plat cuisines-tu le mieux ?
Les pois gris mijotés. C’est un plat national letton. Simple et très sain, un vrai plat paysan venu des temps anciens. Convient aussi bien aux amateurs de viande qu’aux végans.
Quels sont tes prochains projets ?
En début d’année, j’ai réalisé que j’avais besoin d’un « projet principal » pour concrétiser mes idées, car je ne peux pas (ou ne veux pas) tout faire seul. C’est ainsi qu’est né le projet muunroo. Je travaille actuellement intensivement en studio sur la musique, les paroles et les clips de muunroo, seul et avec d’autres musiciens invités de différentes parties du monde. Le matériel accumulé en 25 ans est immense, et je veux en réaliser et en publier le plus possible. À partir de fin juillet, muunroo commencera à sortir des chansons et leurs clips. Je pense que cela plaira au public. D’ici la fin de l’année, peut-être des contenus vidéo plus étoffés. L’essentiel est de réunir les bonnes personnes pour concrétiser mes idées. Un autre projet distinct pourrait être mes improvisations au piano, qui ont déjà commencé avec les ad-libs des morceaux de muunroo. Des discussions sont en cours avec plusieurs labels pour une éventuelle collaboration aux États-Unis et en Europe, mais l’avenir le dira. Je suis habitué à travailler seul – être compositeur, interprète, arrangeur, producteur, manager, vidéaste, réalisateur, designer… Mais dans l’industrie musicale, la capacité est l’un des éléments les plus cruciaux : si l’on se consacre à la création musicale et au contenu, on manque de temps pour la gestion, et inversement. Cela ralentit considérablement le développement des projets, disperse l’attention et affecte la qualité et la quantité. Je regarde donc actuellement les offres de collaboration. Pour ce qui est des plans futurs, je préfère attendre avant d’en parler.
Peux-tu nous raconter une anecdote sur toi ?
Je n’en ai jamais entendu une seule me concernant, car je suis resté longtemps loin du public. Si un jour j’en entends une, je la partagerai volontiers, surtout si elle est drôle – j’adore l’humour, particulièrement celui qui permet de rire de soi-même, et j’aime les gens qui ont un bon sens de l’humour.
Si tu pouvais passer 48 heures avec quelqu’un que tu n’as jamais rencontré, qui serait-ce ?
Je n’arrive même pas à imaginer qui pourrait supporter ça avec moi. 😊
Tes derniers conseils ? (Tes tips ou idées clés)
« Les derniers » ? Sans doute pas 😊, mais voici quelques conseils issus de mon expérience :
Le principal est de ne pas avoir peur d’être soi-même. N’aie jamais peur de prendre la décision de changer quelque chose dans ta vie habituelle, confortable et prospère. Sinon, il est certain que tu ne réaliseras aucune de tes idées. N’aie pas peur de sortir de ta « zone de confort » et de donner vie à tes idées. C’est comme une douche froide le matin après un lit bien chaud : cela oblige à se mobiliser, à se concentrer, à se débarrasser du superflu et à voir ce qui est essentiel. N’aie pas peur de relever le défi d’apprendre rapidement de nouvelles choses, d’acquérir de nouvelles connaissances et expériences. C’est la base pour atteindre tes objectifs et réaliser tes idées. Sois rapide, n’aie pas peur de faire des erreurs, écoute les critiques sans les laisser te paralyser et continue ton chemin.La détermination et la persévérance mènent toujours au succès, tôt ou tard. L’essentiel est de tenir bon jusqu’au bout.
