Dans un coin reculé du Minnesota, loin des clubs de jazz saturés et des lumières urbaines, quatre musiciens ont installé leur campement sonore. Là, entre des cabanes de bois et la respiration d’une forêt glacée, Knife Emoji a donné naissance à un morceau qui ne ressemble à rien de connu. « The Laboratory » porte bien son nom : un espace d’expérimentation radical où chaque bruit du monde extérieur devient matière première, chaque silence une invitation au vertige.
La genèse de ce titre a tout d’un exil volontaire. Daniel Rosen, épuisé par une décennie de tournées jazz, a voulu déprogrammer ses réflexes, oublier les grilles harmoniques, réapprendre à écouter. Autour de lui, Joshua Parlanti, Taylor James Donskey et Ryan Vee n’ont pas cherché à imposer une structure. Ils ont préféré laisser les éléments décider : des rafales de vent captées en plein enregistrement, des vagues heurtant les rives du lac, des froissements de branches que le micro attrape comme des confidences. À cela s’ajoutent des percussions bricolées sur des morceaux de chair crue, des guitares douze cordes en accordages improbables et des synthés ondulants qui rappellent les premières explorations d’Animal Collective.
« The Laboratory » n’avance pas en ligne droite. C’est un organisme sonore qui respire, se contracte, se dilate, déroutant l’oreille avant de l’envoûter. À chaque écoute, le morceau semble muer, dévoilant de nouvelles strates, des harmonies vocales éthérées, des grondements subsoniques à peine perceptibles. Là où certains auraient tenté d’apprivoiser ce chaos, Knife Emoji choisit l’abandon, laissant la musique se construire d’elle-même, comme une entité autonome.
On pourrait évoquer Grizzly Bear pour cette sensualité feutrée, ou la période la plus sauvage de Radiohead pour cette liberté formelle, mais la comparaison s’arrête là. Knife Emoji ne cite pas, ne pastiche pas. Le groupe sculpte un univers sonore qui lui est propre, un monde où la frontière entre organique et électronique devient indiscernable.
Dans un paysage musical saturé de productions aseptisées, « The Laboratory » résonne comme un rappel viscéral : la musique, lorsqu’elle est arrachée au confort, peut redevenir un acte vital, presque animal. Knife Emoji proposent une expérience immersive où perdre ses repères est non seulement inévitable, mais nécessaire.
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