Mary Beth Orr transcende folk et classique avec The Singing Horn
Il y a dans The Singing Horn une matière qui semble respirer. Dès les premières notes d’Appalachia – Wayfaring Stranger, le cor résonne comme une voix enfouie sous la terre, une onde sonore qui ne se contente pas d’être entendue : elle traverse la peau, s’insinue jusque dans les os. Mary Beth Orr, à la fois horniste classique et chanteuse folk, signe ici une œuvre qui brouille toutes les frontières – entre les genres, entre l’organique et le spirituel, entre la douceur et la douleur.
Les cinq premiers titres s’enchaînent comme un cycle méditatif où les timbres se confondent. Le cor y joue tour à tour le rôle de narrateur et de confident, la voix de Mary Beth se pose, fragile mais lumineuse, tissant des mélodies qui évoquent autant les collines appalachiennes que l’acoustique feutrée d’une salle de concert baroque. Songs of the Wayfarer I à IV déploient un éventail d’émotions contenues, où la retenue devient puissance. La prise de son, subtilement ample, capture les harmoniques du cor avec une précision qui révèle toute la richesse de ses fréquences graves.
C’est dans Oh Death que le cycle atteint son sommet. Ici, Orr choisit la nudité sonore : un arrangement minimaliste qui laisse respirer chaque silence, chaque note. Le cor semble y porter une plainte humaine, une fragilité qui transforme le funèbre en beauté transcendante. L’équilibre entre le dépouillement et l’intensité rappelle certaines pièces de musique de chambre romantique, mais infusées de l’urgence des chants traditionnels.
Plus loin dans l’album, Good and True convoque d’autres imaginaires. Inspiré des chants de naissance de la tribu Dagara, le morceau devient un espace de renaissance où le souffle du cor et la voix s’entrelacent comme deux forces vitales. L’écriture modale et la lenteur rythmique renforcent le caractère rituel de cette pièce, qui semble bâtie pour un temps hors du temps.
Chaque morceau explore une facette du lien entre souffle et vie : Season of Ice étire ses phrases comme des voiles portées par un vent d’hiver ; I Remember est une capsule d’intimité, une confession murmurée à l’oreille de l’auditeur ; I’ll Fly Away, en clôture, allège l’atmosphère sans trahir la profondeur émotionnelle du voyage.
À travers The Singing Horn, Mary Beth Orr prouve qu’elle est bien plus qu’une virtuose : elle est une conteuse qui utilise le cor et la voix comme des vaisseaux pour naviguer les eaux troubles de l’expérience humaine. La maternité, la perte, l’amour, tout y est convoqué sans emphase, avec une sincérité qui désarme. Ce n’est pas un disque qui s’impose. C’est un disque qui attend que l’on vienne à lui, pour déposer nos souvenirs, nos chagrins, et peut-être y trouver un écho.
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