Dès l’ouverture, la pièce sent le carton des déménagements et l’ozone d’un ordi qui chauffe trop : Wasting Time est un journal de bord mixé au sang-froid, bedroom-made mais pensé grand écran. ARENTUMINE, alias Justin Alvarez, signe un premier long qui n’implore pas l’indulgence ; il impose une vision. On reconnaît l’élève appliqué des architectures à la Madeon, la moiteur oblique de Glass Animals, des éclats indie à la Arcade Fire, un grain lo-fi à la Washed Out… mais l’empreinte finale, nerveuse et personnelle, appartient à Alvarez seul.
The Pact, ouverture nerveuse, pose la promesse : kick court, 808 tenue en laisse, synthés panoramiques, un compresseur bus qui respire juste assez pour laisser passer la gorge serrée. Daylight relève le menton avec une énergie solaire, lignes de basse élastiques et claviers qui s’ouvrent par paliers, pendant qu’ARENTUMINE (le titre éponyme) assume le manifeste : motif mélodique clair, re-sampling subtil, montage qui tend l’élastique sans le rompre. Crumble et Let Loose jouent le contrepoint — l’un resserre le cadre, l’autre déboutonne la structure — tandis qu’Alleyway ramène la texture : snares granuleuses, petites salissures de bitcrush qui donnent du relief aux murs.
L’album respire par interludes : Gray Sunset et sideswipe, deux sas qui affinent la dramaturgie et recalibrent l’oreille. Lostboy et Freefall incarnent le balancier émotionnel : pulsation contenue, pads en clair-obscur, hooks qui préfèrent l’aimantation au tapage. Only1 réduit l’appareillage pour laisser paraître la charpente, preuve de confiance dans l’écriture.
Au sommet, Wasting Time — pièce-titre et épicentre — agrège tous les thèmes du disque : regret, vertige, tendresse recalibrée. La production joue la montée non pas par ajout mais par retrait mesuré, puis libère un final qui évite l’emphase sirupeuse au profit d’un débord élégant. On entend les heures, la persistance, les versions jetées au feu, et cette obsession d’aligner émotion et design sonore.
Ce qui frappe au-delà des chansons, c’est la tenue d’ensemble : un album taillé dans l’épreuve mais monté avec une rigueur de chef de projet. Tout est écrit, joué, produit maison, et pourtant rien ne sent la maquette. Wasting Time parle d’exil intérieur, d’amours et de départs, mais choisit la structure plutôt que la plainte. Premier disque, oui ; premier jet, non. À classer dans ces rares débuts qui n’essaient pas de prouver — ils posent. Et la suite, si elle garde ce sens de l’épure sous tension, promet plus qu’un avenir : une signature.
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