Je vois la scène avant même d’appuyer sur play : clim en rade, bières tièdes, peau qui colle aux guitares, quatre amis de lycée qui ont décidé qu’on pouvait ressusciter un groupe comme on rallume un feu. Vice Market n’essaie pas de rejouer le musée : il taille dans le classic rock avec des outils affûtés, sans nostalgie grasse. Sous la houlette de Paco Lazo et Andrés Lavalle, le son respire l’organique et l’intention : gros grains quand il faut, air entre les éléments, compression qui tient la pièce sans l’aplatir. On entend l’ombre d’Iommi sur les riffs, du Parliament dans la souplesse rythmique, une droiture mélodique héritée des Beatles — mais l’alchimie reste 100% Captain Mantis.
Moonshine Alley ouvre la porte à coups d’épaules. Riff massif, palm-mutes qui mordent juste, batterie en avant du corps, basse qui pousse et se cabre dans les pré-refrains. Textbook opener, oui, mais avec ce sens de la coupe nette : break en demi-temps, relance qui explose sans devenir boursouflée. C’est la carte d’identité du quatuor : immédiateté et tenue.
Simon Frost change l’angle. Moins bélier, plus cinétique, le morceau déroule une pulsation plus sinueuse où la section rythmique (basse en pivot, charley précis) installe un groove à mi-chemin du rock alternatif 90s et d’un funk sec. La guitare s’autorise des contre-chants acidulés ; le chant, lui, gagne en proximité, presque conversationnel. C’est le titre qui prouve que le groupe sait tourner sans perdre le buste.
Galatea devient la pièce signature. Trois guitares acoustiques en tissage serré — open G capo 4, standard nu, standard capo 7 — qui dessinent un dôme harmonique. Au centre, un mellotron qui entrouvre un ciel de cinéma, solo capté en deux prises, nerveux mais pudique. La dynamique respire en paliers : on monte par retrait, on éclaire par détails. Ici, Captain Mantis prouve qu’il peut jouer la délicatesse sans mièvrerie.
Vice Market, enfin, donne son nom et sa cadence à l’ensemble. Basse contagieuse en figure d’ancrage, batterie qui danse sans surjouer, guitares qui picorent des syncopes latines ; le morceau flirte avec un latin-rock mordant tout en gardant l’ossature rock. Le mix laisse l’espace vivre : voix au centre, tambourin qui soulève la poussière sur les refrains, stéréo large sans tape-à-l’œil.
Au-delà de la diversité affichée, ce qui serre le tout, c’est la philosophie de fabrication : chercher le point d’équilibre entre cliché rassurant et auto-indulgence. Vice Market est court, dense, cohérent ; chaque chanson montre une face différente du même coffre. Un EP de réactivation plutôt que de réédition : la preuve qu’on peut aimer le passé en écrivant au présent. Monterrey a trouvé son classic rock d’aujourd’hui — pas une relique, un moteur.
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