On connaît ces morceaux qui collent à la peau comme une odeur froide de métro. Celui-ci, au contraire, décroche la fenêtre et laisse entrer l’air. I Don’t Give A Damn n’est pas une provocation gratuite : c’est un acte notarié d’émancipation, tamponné par des 808 propres, une rythmique pop-rap qui pivote sur le talon, et cette patine dance qui lustre les angles sans gommer les cicatrices. Ricardo Caminha raconte la sortie d’un tunnel, mais choisit la langue de la fête pour signer la lettre de rupture définitive.
La production joue double jeu, brillante et nerveuse. Un motif de synthé court, presque minimal, revient comme une pensée intrusive, aussitôt recadrée par une basse en glide qui appuie sur la nuque. Les drums, sèches, alternent frappes droites et petits décalages microtimés, façon trap tenue en laisse : l’énergie est là, mais domptée, focalisée. Dans les interstices, quelques nappes aérées, un clap reverbé qui ouvre des clairières, et ces cuts de voix traités en texture plus qu’en effet spectaculaire. C’est moderne sans surenchère, calibré pour les playlists mais pensé comme un statement.
Caminha s’avance avec un timbre qui refuse la plainte et préfère la précision. Flow articulé, mélodies qui accrochent l’oreille sans flashy cheap, placements qui respirent le contrôle retrouvé. Le texte – tout en allusions – parle d’une relation qui dévorait, d’un investissement à fonds perdus, et surtout de cette paix intérieure, neuve, qui suit le chaos quand on ne doit plus sauver quelqu’un à la place de soi-même. La force du titre tient là : zéro misérabilisme, beaucoup d’autorité sensible. On n’entend ni bravade ni posture, mais la sérénité musclée de celui qui a déplacé le centre de gravité.
Sur le papier, un carrefour Dance Pop / Trap / Pop Rap peut vite tomber en produit générique. Ici, la couture est nette. Le hook refuse la surécriture, la structure sait accélérer sans courir, et les détails de mix (sub précis, médiums clairs, aigus jamais criards) donnent du relief à une narration compacte. En trois minutes, Caminha convertit une histoire d’emprise en choré de liberté : la piste devient espace thérapeutique, la pulsation retourne la table des valeurs, et l’autonomie émotionnelle se mesure en BPM assumés.
I Don’t Give A Damn n’est pas qu’un renouveau dans sa discographie potentielle ; c’est un protocole. S’aimer assez pour ne plus honorer la violence – même travestie en passion –, transformer l’adrénaline en cadence, et signer le lendemain par un drop qui vise le torse, pas la vitrine. On sort du morceau avec la même impression que lui sortant de l’histoire : position enfin retrouvée, épaule desserrée, horizon net. Si la liberté avait un groove, elle ressemblerait à ça.
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