Premier contact, et la boussole part déjà en vrille agréable. Animal Frequencies n’empile pas des chansons : ça dresse une ménagerie sentimentale où l’instinct dicte la forme. Northampton en point de départ, Backland Studios en vivarium, Christopher Barns en « troisième dodo » qui nourrit, taille, éclaire. Le duo Neil Saunders / Sam Sherwood ne joue ni la parodie ni le concept sec : chaque bête devient un prisme sonore, bout de folklore électrique, micro-rituel pop qui teste nos réflexes.
Le son vise la morsure sans renoncer au sucre. Guitares qui grincent à la Primus, refrains en sourire tordu façon Weezer, pas de côté dada hérités des Residents, et, dans les coins, un goût d’ultra-saturation qui cligne d’œil aux excès métal. La section rythmique pousse court, basse nerveuse, batteries sèches ; le mix laisse de l’air aux médiums pour que les timbres comiques ne virent jamais au gadget. On entend le studio pensé comme plateau : cajón qui surgit au bon moment, synthés qui font l’insecte, acoustiques placées pour le relief, « silly effects » assumés mais cadrés.
Piste par piste, la faune s’ordonne en cartoon précis. Fish ouvre en esquisse, croc-en-jambe rapide, hook jeté puis retiré. Kitten Kisses & Puppy Dog Tails cligne l’œil en haïku pop. The Sex Life Of A Slug se vautre dans un doom moelleux, tempo visqueux, humour noir qui colle aux semelles. Elephant charge court, fanfare minimaliste en 75 secondes. Shrimp trottine honky-tonk, piano rieur qui bouscule le pas. Wasp In The Bedroom sature l’air, riffs en zigzag, chaos contrôlé comme un bourdonnement dans une lampe. Prison For A Frog country-frye la mélodie en 85 secondes impeccables. The Worm file en motif hypno, break sec et retour net. Octopus multiplie les bras d’arrangements, micromodulations qui se croisent sans s’emmêler. Death-Head Hawk-Moth bat de l’aile entre fuzz et chœur spectral. Et Mathematical Fly Art referme le carnet avec une géométrie d’ailes : angles, répétitions, petite transe de laboratoire.
Ce qui accroche, au-delà du gimmick animalier, c’est la discipline dans la folie. Les morceaux sont courts, affûtés, drôles sans être potaches, accrocheurs sans brader leur étrangeté. Le duo connaît ses bêtes et ses formats : couplet-refrain tout droit quand il le faut, dérapage bruitiste quand l’image réclame une autre couleur. Résultat : un premier long joueur et très rejouable, qui ajoute du panache au zoo indie britannique en rappelant qu’on peut aimer Cannibal Corpse et écrire un ragtime pour crevette la minute suivante.
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