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Music Pop Rock

Alt-indie moiré par Elliot Bam sur Can I See You Again

Alt-indie moiré par Elliot Bam sur Can I See You Again
  • Publishedaoût 25, 2025

Je tombe dans ce morceau comme on entrouvre une porte sur un appartement encore tiède : odeur d’orage, verre abandonné sur la table basse, et cette tension suspendue entre ce qui a été et ce qui ne sera peut-être pas. Can I See You Again n’essaie pas de masquer la gêne du “après” ; Elliot Bam la met au centre du cadre, la filme en gros plan, puis la fait danser. Alt-indie sensuel, blues en filigrane, guitares distordues comme des souvenirs mal rangés, batterie qui pousse sans presser, voix en couches qui se répondent à l’intérieur du même torse — rien de gratuit, tout respire la précision artisanale d’un multi-instrumentiste qui sait où placer l’éclat et où laisser le silence.

Sur le plan sonore, c’est chirurgical et charnel. Les guitares, légèrement saturées, sont traitées comme un tissu : grain présent, attaques contrôlées, sustain qui tient juste ce qu’il faut pour dessiner l’arrière-plan. La rythmique garde une allure de marche nocturne — kick ferme, caisse claire feutrée, charleys au compte-gouttes — pendant que des reverb en champ moyen donnent cette profondeur ciné qui installe la pièce. La voix d’Elliot, posée, assumée, se dédouble en harmoniques discrètes ; le timbre reste nu, les effets ne servent que la proximité. On sent le studio pensé en clair-obscur : médiums soignés, haut du spectre poli (zéro fatigue), bas tenu pour laisser respirer la dynamique. Le mix aime la retenue, refuse la boursouflure ; la tension naît du relief, pas du volume.

L’écriture, elle, marche sur la ligne fine entre confession et manifeste. Elliot parle d’un lendemain sans réponse, d’un imaginaire qui s’emballe, de ce vide qui suit le frisson. Mais la perspective change tout : un homme trans, gay, qui n’adoucit rien et ne s’excuse pas d’avoir du désir. Ce renversement rend le morceau nécessaire. Dans un paysage pop souvent obsédé par une vulnérabilité de carte postale, Can I See You Again préfère l’honnêteté nue : l’insécurité n’y est pas une esthétique, c’est un fait, et l’arrangement la rend habitable. On comprend les filiations citées (Hozier pour le sombre lumineux, Phoebe Bridgers pour la précision émotionnelle, Lucy Dacus pour la droiture mélodique), mais Elliot évite le mimétisme. Le blues n’est pas posture, c’est un ligament.

Ce single a la modestie d’une scène intime et la portée d’un signal. Il prouve que l’on peut faire tenir une politique du corps dans une chanson sans slogan : juste des choix sonores exacts, une voix qui ne se planque pas, un récit qui regarde l’autre sans se renier. Can I See You Again n’offre pas de résolution miracle ; il propose une vérité partageable, une place pour celles et ceux qui reconnaissent ce vertige. À volume honnête, la dernière mesure laisse un sillage tenace — ce moment où l’on se surprend à respirer plus lentement, comme si le morceau avait remis de l’ordre entre la peau, la tête et le cœur.

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Written By
Extravafrench

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