Il y a des disques qui ne se contentent pas d’être écoutés, ils transpirent une époque de vie entière. Wild, le premier album de Courtney Nord, sonne comme un carnet intime oublié sur une table en bois, griffonné à l’encre noire, tâché de café et de sel. Pas un projet lisse mais une mosaïque de démos gardées telles quelles, de chansons rejetées par d’autres, de fragments trop brûlants pour n’appartenir qu’à des playlists fonctionnelles. C’est un album de transition, mais pas au sens bancal : au contraire, il respire cette honnêteté fragile et nécessaire des entre-deux, entre études, entre amours, entre états d’âme.
La pièce-titre, wild, ouvre le bal en clair-obscur. Un morceau nourri de Led Zeppelin, mais ralenti, introspectif, comme une guitare vintage posée contre le mur d’un studio désert. On y sent la rupture, mais aussi le désir de ne pas céder au pathos. in memory of… agit comme une lettre non envoyée : voix proche du micro, arrangements à peine polis, intensité qui se brise sur chaque note. Pressure, quant à lui, s’avance comme un thriller avorté – pensé pour le cinéma, recalé, mais ici réhabilité : basse hypnotique, tension qui monte comme une pulsation cardiaque, fantôme d’un désir interdit.
Light in the dark choisit la clarté, ballade suspendue entre indie-pop et folk, réverbération maîtrisée qui éclaire le propos. Avec Little miss perfect, Courtney règle ses comptes : mélodie acide, confessions sans filtre. La version demo va plus loin : voix tremblée, présence de son fils en arrière-plan, preuve qu’un défaut peut devenir grâce. anymore (Courtney’s Version) tranche, plus incisif, presque une revanche, alors que stuck (in the 90’s) amuse par sa brièveté, clin d’œil lo-fi d’un passé pas si révolu. Who am I? (Demo Version) conclut sur la question laissée ouverte, comme si l’album refusait la clôture, préférant rester suspendu.
Là où d’autres premiers albums cherchent la perfection, Courtney Nord embrasse les fissures. Wild n’est pas une carte de visite polie, c’est une photographie : un instant, un souffle, une saison. On y entend l’artiste qui cherche encore, mais qui a déjà trouvé son courage. C’est ce mélange rare – mélancolie et lumière, douceur et rugosité – qui en fait une œuvre qui ne se contente pas d’exister, mais qui insiste, doucement, pour rester.
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