Premier coup de caisse claire, et me voilà projeté dans un western crépusculaire avec paraboles sur le toit. Wolves Eve, signé Creatures of the Edge (alias Justin Sanfilippo à tous les postes), transforme un home studio d’Oxnard en avant-poste de Thunderclap Mountain : guitares low-slung, orgue qui flotte comme un mirage, VST cuivrés en contre-jour et ce groove qui piétine la poussière avant d’ouvrir une brèche vers le futur. L’imaginaire vient de la saga The Dark Tower — la veille du carnage à Calla — et la musique épouse ce moment suspendu : attentes, conciliabules, poignées serrées… puis la meute.
Ce qui claque, c’est la couture des mondes. Premier tiers : rock organique, funk sec des années 70, basse jouée à la main, batterie au grain franc, claps et shakers posés en réel. Le mix garde les médiums respirants, laisse le plancher vibrer ; on sent la pièce, la peau, la sueur. Au milieu, bascule totale : un drop taillé dans l’acier, synthés sculptés from scratch, modulation qui rase le sol et redresse la nuque. On entend l’obsession Detox Unit/CloZee dans le design sonore, mais l’attaque et la densité portent une mémoire Circa Survive, l’urgence Bad Religion dans la manière d’avancer sans négocier, et une précision “Dear Hunter” dans l’architecture.
Les VST horns n’apparaissent pas pour faire joli : ils cadrent la dramaturgie, comme des cris lointains qui balisent la ruelle. L’orgue et l’e-piano huilent les charnières entre les sections, les guitares dessinent les lignes de fuite. Et puis il y a ce détail qui change l’air : les tambourines en noires, jouées par la fille de cinq ans du compositeur. À l’instant où elles entrent, le morceau cesse d’être un exercice de style brillant pour devenir un objet vivant, tatoué de réel. C’est la petite faille humaine qui rend la machine émouvante.
La production, pensée, enregistrée et mixée par Sanfilippo, garde la dynamique en tête ; le mastering de Camilo Silva polit sans lisser, creuse le bas quand il faut, laisse les transitoires mordre. Résultat : une piste à double carburant qui tient la route en club comme sur autoroute nocturne, capable d’aligner une chorégraphie de strobos et, dans la seconde, de te coller l’odeur du bois chaud d’un saloon. Wolves Eve, c’est un guet — et un signal. Un morceau-sentinelle où la nostalgie ne sert pas de décor, mais de mèche ; où le présent électronique ne dévore pas le passé, il l’embrase. Quand la dernière impulsion retombe, on garde en bouche ce goût de poussière ozonée : la promesse que, cette fois, le village ne baissera pas les yeux.
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