J’attrape Floodlights comme on ramasse un polaroid humide : couleurs qui bavent, silhouettes qui sourient malgré la nuit. Chicago au loin, mais surtout une chambre à échos où Laura Hollingsworth mène la marche, clavier au bout des doigts, cœur à hauteur de micro. The Transference réussit ce truc rare : des chansons sucrées en surface, fibre sombre au milieu, une façon beach-baroque de poser des harmonies à la Beach Boys/Beatles sur un sol post-pandémique fissuré. Ça clique, ça scintille, ça serre.
Circling the Square ouvre en cercle vicieux au tempo radieux, riff qui accroche la manche et batterie qui garde le cap. A Single Blow joue la carte du coup unique — montée patiente, refrains en surimpression, basse qui respire large. Ramone Says I’m the Devil cligne de l’œil au punk en le filtrant pop, guitare qui ricane, chœurs qui adoucissent le blasphème. Dovetail fait l’inverse : précision d’orfèvre, lignes qui s’imbriquent comme une marqueterie d’accords.
Nightlight devient abri : presque cinq minutes pour tenir la lampe à bout de bras, vibraphone et harmonium en lisière, la voix d’Andrea Santiago qui flotte juste au-dessus de la ligne d’eau. Aliens transforme l’étrangeté en refrain accueillant, synthés en halo, pedal steel en traînée stellaire. Spiral Up porte bien son nom, progression en colimaçon, solos économes, dopamine propre. Drown in the Sound te submerge sans t’éteindre : compression millimétrée, pont qui ouvre la fenêtre, on respire plus grand. Wildfire est le plus contagieux du lot, guitare qui claque sec et hooks qui prennent feu à la première friction. Roots Down Deep replante tout — basse terrienne, harmonies en mycorhize. Et Sunsets referme l’album en dégradé : batterie en velours, guitare tardive, dernière lueur qui s’attarde sur le pare-brise.
Ce qui bluffe, au-delà de l’écriture, c’est l’orfèvrerie discrète : arrangements en couches fines (synthés qui chuchotent, vibraphone en gouttes, pedal steel en filigrane), attention extrême aux entrées/sorties, refrains qui retombent à la bonne hauteur. La production laisse briller les médiums où la voix vit, sans écraser les crêtes : on entend le grain, la pièce, le souffle, la peau de la caisse claire.
Floodlights porte bien son nom : une série de faisceaux braqués sur nos contradictions, dark themes main dans la main avec une légèreté presque insolente. On danse en hochant la tête, on pense en dansant, on aime mieux parce que la musique nous y pousse gentiment. Et quand la dernière note de Sunsets se dissout, on a cette envie idiote mais pure d’appuyer sur repeat, comme on repart dans la nuit simplement parce que les phares savent, aujourd’hui, nous ramener à bon port.
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