My Heart n’entre pas dans le monde comme un single, mais comme un éclat suspendu, un objet sonore délicat posé entre deux silences. On croirait voir une pièce vide où la lumière hésite à entrer, et au milieu, ce battement fragile qu’Aurimas Galvelis transforme en matière vivante. Tout est écrit, produit, pensé dans son studio de Vilnius, mais l’écoute déborde les murs : cette musique intime a la dimension d’une architecture intérieure, faite de failles et de reflets.
L’électronica proposée ici ne s’habille d’aucun vernis tapageur. Elle s’étire, se fissure, respire. Les nappes s’effritent comme des parois de verre, les basses roulent en souterrain avec la patience d’un séisme contenu, et les percussions digitales tombent comme une pluie qui hésite entre caresse et menace. On devine l’ombre de Flume, le raffinement de Labrinth, mais Galvelis refuse le pastiche : il préfère l’accident, le détail imprévu, ce froissement sonore qui transforme la production en chair vivante.
Au centre, la voix, travaillée jusqu’à l’obsession. Elle surgit sans prévenir, trop proche, trop nue, presque gênante. Elle flotte à la limite de l’intime et de l’éthéré, brouillant les repères. L’auditeur n’assiste plus à une performance : il est assis dans la même pièce que lui. Cet effet de proximité, Galvelis l’a voulu comme une expérience sensorielle, et il en fait une arme redoutable.
La thématique est claire — ce sentiment d’être déplacé, de ne jamais appartenir. Mais ce qui bouleverse, c’est la façon dont My Heart ne se contente pas de raconter cette errance : il la retourne en refuge. Chaque texture devient un fragment de maison, chaque progression harmonique une fenêtre entrouverte. On n’écoute pas seulement un morceau, l’expérience est poussée au point que l’on y habite le temps de quelques minutes.
En choisissant ce titre pour ouvrir son futur album Porcelianas, Aurimas Galvelis impose d’emblée une esthétique singulière : une electronica romanesque, tactile, fragile mais d’une précision redoutable. My Heart agit comme une pièce de porcelaine — translucide, fêlée, mais assez dure pour traverser le temps. Une première pierre qui installe Galvelis non pas comme un producteur de plus, mais comme un architecte d’espaces sonores où l’on se sent enfin chez soi.
Pour découvrir plus de nouveautés POP, n’hésitez pas à suivre notre Playlist EXTRAVAPOP ci-dessous :
