Le morceau s’ouvre comme une gifle douce-amère : une basse lourde, chaloupée, qui avance comme une marche de protestation, sur laquelle les voix de Daddy Mory et Tiwony viennent lancer leur cri du cœur. Ce monde est fou n’est pas une chanson au sens strict : c’est un bulletin d’urgence, un miroir tendu à une société qui vacille, un constat qui oscille entre rage et espoir.
Ce qui frappe immédiatement, c’est cette hybridation assumée entre reggae traditionnel et trap moderne. La rythmique reggae, fondée sur ce battement syncopé reconnaissable entre mille, est gonflée ici par des kicks trap nerveux, presque militaires, qui donnent au morceau une tension contemporaine. Julien Fontana, à la production et à la guitare, agit comme un architecte discret mais essentiel : ses cordes saturées d’écho apportent une dimension charnelle, un souffle organique dans un morceau qui aurait pu se contenter de la froideur électronique.
Daddy Mory et Tiwony, vétérans du dancehall et du reggae français, n’ont rien perdu de leur flamme. Leur flow, grave et sans détour, frappe par son urgence. Ils ne se contentent pas d’égrener les maux de l’époque — violences, dérives sociales, injustices systémiques — ils les incarnent dans une scansion qui prend à la gorge. Il y a, derrière leurs mots, une colère maîtrisée, celle de ceux qui savent que la musique n’est pas un refuge mais une arme douce, une manière de poser le poing sur la table sans perdre la poésie.
Ce monde est fou fonctionne aussi par contrastes : entre la chaleur du reggae et la noirceur des constats, entre la fluidité des harmonies et la dureté des thèmes. Loin d’un simple slogan, le morceau réussit à garder cette dimension dansante et fédératrice propre au reggae, tout en ancrant son propos dans une réalité contemporaine. On imagine déjà ce titre résonner sur une place, un soir d’été, les corps bougeant au rythme du beat tandis que les mots cognent en arrière-plan, rappelant que la fête peut être politique.
À l’heure où beaucoup de productions urbaines s’enferment dans le cynisme ou le divertissement sans mémoire, Daddy Mory, Tiwony et Julien Fontana choisissent la voie la plus risquée : celle de la conscience. Ils rappellent que le reggae n’a jamais été une simple esthétique, mais une manière de regarder le monde droit dans les yeux.
Ce monde est fou n’offre pas de solution miracle. Mais il réussit à transformer le désespoir en groove, la colère en communion. Et c’est peut-être, en musique, la forme la plus aboutie de résistance.
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