On pourrait croire à un simple aller-retour entre deux pôles du rap américain, mais bellies of the beast est bien plus qu’un voyage. C’est une radiographie crue, presque clinique, de deux mondes qui se regardent en chiens de faïence : les rues de New York, encore suintantes de goudron, de sueur et de vérité, et Los Angeles, avec ses piscines chlorées où se noient les faux sourires et les deals en carton-pâte. Jordan Burgett n’essaie pas de concilier ces deux extrêmes, il les met en miroir, les confronte, les racle jusqu’à l’os pour faire jaillir une seule chose : la vérité qu’on préfère taire.
Le morceau respire l’héritage des années 2000, ce boom bap filtré par une oreille contemporaine, chargé d’autotune vaporeux et de nappes éthérées qui flirtent avec le cloud rap. Mais derrière la brume sonore, les mots claquent avec une précision chirurgicale. Pas d’ego trip clinquant, pas de storytelling enjolivé : Burgett se penche sur ses cicatrices, sur le cynisme de l’industrie, sur ce qu’elle exige et détruit à la fois. C’est un morceau qui refuse la façade, qui déchire le vernis pour montrer la crasse.
Ce qui rend bellies of the beast si singulier, c’est son équilibre fragile entre spleen et combativité. On sent dans le flow de Burgett la fatigue d’avoir trop vu, mais aussi l’urgence de ne pas se taire. Il convoque l’ombre des Kendrick, des J. Cole, mais refuse d’être leur héritier docile. Sa plume est plus âpre, moins soucieuse de séduire, plus concentrée sur l’idée d’exposer. Le beat, volontairement minimal, lui sert de caisse claire pour un manifeste plus qu’une simple performance.
Au final, bellies of the beast agit comme un antidote aux illusions qu’on vend aux artistes en herbe. C’est un rappel brutal mais nécessaire : derrière les projecteurs, il y a des ruelles sombres, et pour les traverser, il faut plus que du talent – il faut des tripes. Jordan Burgett, lui, a choisi de les montrer.
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