Rarement un groupe aura osé un geste aussi frontal : tordre l’hymne national irlandais pour en extraire un miroir sombre, y glisser une réflexion sur le capitalisme triomphant et bâtir, à travers la musique, une fresque parallèle entre l’Irlande et la Pologne. Joyce Of The Market, le nouveau titre de Transgalactica, ne se contente pas d’être une chanson. C’est une petite pièce de théâtre sonore, un conte politique où l’ironie se dispute à la mélancolie.
Le morceau s’ouvre sur deux thèmes de l’hymne irlandais, basculés du majeur au mineur comme pour dire que derrière la fierté nationale, l’ombre des souffrances persiste. Puis viennent les clins d’œil érudits : un passage de quintes emprunté à Genesis (The Lamia), une tension rock empruntant à Perfect Strangers de Deep Purple. L’ensemble dessine une architecture musicale volontairement composite, à la fois hommage et détournement.
Mais c’est dans la collision texte-image que Joyce Of The Market trouve sa singularité. Le clip déroule une iconographie volontairement stéréotypée – exils, oppression étrangère, rôle écrasant de l’Église, émancipation économique – comme pour rappeler que l’Histoire, souvent, se raconte en clichés. La punchline finale claque comme un slogan publicitaire détourné : « corporate horns are blaring resurrection ». L’Irlande contemporaine se célèbre autant qu’elle s’interroge.
Il y a dans ce morceau une audace presque anachronique : celle de penser la chanson pop-rock comme outil de commentaire historique, de faire dialoguer Joyce avec le marché, le folklore avec le néolibéralisme, l’identité nationale avec les mirages de la prospérité. On peut sourire de cette imagerie un peu scolaire, mais on ne peut nier la sincérité : derrière la satire se cache une véritable tendresse pour l’Irlande moderne, pour ce pays qui a « durci » ses blessures en réussite économique.
Transgalactica assume son goût pour l’expérimentation conceptuelle, quitte à dérouter. Joyce Of The Market ne cherche pas à plaire mais à provoquer – un geste artistique qui, qu’on l’aime ou qu’on le rejette, impose une chose : la chanson peut encore être un espace de pensée, et pas seulement de consommation.
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