On n’attendait pas de Belgrade une telle décharge électrique, et pourtant Bones in Butter enfonce la porte avec Persona Non Grata, morceau noir et incandescent extrait de leur album concept Cosmopolis. Ce qui frappe d’emblée, c’est cette manière de convoquer l’esprit des années 80 sans tomber dans le pastiche. On pense à Magazine, à Bauhaus, au Lou Reed des nuits blêmes, mais ici les ombres se déplacent dans un décor bien réel : celui d’une Serbie fracturée, où chaque rue semble porter le poids des contradictions.
Milutin Krasevic, maître d’orchestre et voix magnétique, n’écrit pas de simples chansons : il compose des fragments de chroniques. Sa diction en clair-obscur se frotte aux guitares tranchantes de Todor Zivkovic, aux basses charnelles de Dejan Skopelja, aux frappes sèches de Tom Fedja Franklin. La présence de Luna Skopelja, en contrepoint vocal, ajoute cette brèche fragile dans la rugosité, comme une fissure lumineuse dans un mur de béton.
Persona Non Grata se déploie comme une marche funèbre accélérée, un pas cadencé entre colère et ironie. Chaque riff semble mordre, chaque ligne de basse pulse comme une alarme sourde. Le morceau n’offre pas d’issue : il expose, frontal, l’exil intérieur de ceux que l’on rejette, les invisibles, les indésirables.
En filigrane, c’est tout un héritage européen qui ressurgit : les atmosphères froides de Berlin-Ouest, les expérimentations baroques d’un Franco Battiato, les visions cinématographiques d’une Electric Light Orchestra passée au filtre du nihilisme. Mais Bones in Butter transcende ses références : ce n’est pas une nostalgie, c’est un présent fiévreux mis en sons.
Avec Persona Non Grata, le groupe impose une esthétique sans concessions, où le post-punk n’est plus seulement une réminiscence, mais une arme critique pour regarder le monde droit dans les yeux. Belgrade devient le centre d’un maelström sonore qui pourrait bien déborder largement ses frontières.
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