Antoin Gibson ne rappe pas pour séduire, elle rappe pour déranger. Pour déraciner les illusions, retourner les codes et mettre les mots là où ça brûle. Son nouveau single, Diss Qualification, sorti le 1er octobre 2025 via Circum-Sŏnus, n’est pas simplement un morceau : c’est une déclaration de guerre, un manifeste contre la docilité, une claque sonique qui pulvérise la façade d’un monde figé dans sa propre absurdité.
Dès les premières secondes, on sent la morsure. Son flow est chirurgical, nerveux, chargé de cette colère froide propre aux artistes qui ne mentent pas. Chaque syllabe porte le poids d’un refus — celui de se taire, celui de s’incliner. “I’m just saying it how I see it,” lâche-t-elle avec l’assurance d’une rappeuse qui n’a plus rien à prouver. Cette phrase d’ouverture agit comme un coup de feu : le ton est donné. Pas de filtre, pas d’excuses, pas de diplomatie. Antoin Gibson vise juste — et tire pour tuer la complaisance.
Diss Qualification attaque de front la déshumanisation institutionnelle, la bureaucratie absurde et les mécanismes élitistes qui condamnent celles et ceux qui refusent de cocher les bonnes cases. Derrière l’ironie du titre se cache une rage lucide : celle d’une artiste forcée de “revenir à la case départ”, non pas parce qu’elle manque de talent, mais parce que le monde mesure la valeur à coups de diplômes et de CV standardisés. “You must spend paper to get paper to make paper to spend” : une punchline devenue symbole de ce cercle vicieux que Gibson démonte, ligne après ligne, avec un sarcasme acéré.
Sa plume est dense, presque littéraire. Elle entremêle des réflexions sur la politique, le travail, la guerre, la perte de sens, sans jamais sombrer dans la posture. Son verbe fuse comme une rafale, mais garde toujours la précision d’une pensée construite. Sur une production minimaliste, sombre et tendue, la voix d’Antoin s’impose comme un cri maîtrisé. L’écho d’une génération qui n’attend plus qu’on lui fasse une place.
L’artiste ose tout : attaquer les institutions internationales, ridiculiser les élites, se moquer de l’inertie de l’ONU, dénoncer les absurdités d’un monde “plus prompt à dégainer un bazooka qu’à réfléchir”. “There is nothing united about them than the fact they are incompetent,” crache-t-elle, avec cette ironie amère qui fait la marque des grands lyricistes.
Mais Diss Qualification ne se résume pas à un pamphlet politique. C’est aussi une introspection déguisée, une manière pour Gibson de reprendre le contrôle narratif. Elle transforme sa frustration en puissance, son exclusion en moteur, son vécu en manifeste. Derrière la violence du ton, on perçoit une forme de rédemption : celle d’une femme qui choisit de se définir seule, loin des cadres et des autorisations.
Antoin Gibson expose, elle dénonce, elle met à nu. Dans un paysage dominé par les egos, elle rappelle que le rap peut encore être une arme de pensée, un terrain de vérité. Diss Qualification n’est pas qu’un titre : c’est un acte. Parce qu’au fond, ce que Gibson revendique, ce n’est pas une qualification académique. C’est la seule qui compte : celle de dire la vérité, avec courage et sans permission.
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