On imagine Dave Macleod, quelque part dans un appartement londonien aux murs trop proches, gratouillant une guitare usée sous la lumière bleutée d’un après-midi pluvieux. Stay Inside, le premier EP de son projet trainboy, sonne comme une chambre qui respire encore la fumée froide des nuits blanches et le parfum tenace des souvenirs qui refusent de partir. Tout ici semble né d’un désordre beau, celui des émotions mal rangées, des amours trop tendres pour être dites, des jours qui s’effilochent dans la lumière grise de Kentish Town.
La chanson titre, Stay Inside, est une miniature parfaite. Deux minutes et vingt secondes de fragilité maîtrisée, où la voix de Dave flotte comme une buée sur une vitre. Ce n’est pas une injonction mais une confession : rester à l’intérieur, c’est peut-être la seule façon de ne pas se dissoudre dans la foule. L’intimité y devient une forme de résistance douce, un cocon contre la vitesse du monde.
Puis vient Handbags, chanson faussement anodine, à la manière des Velvet Underground époque Sunday Morning, qui transforme les gestes banals du quotidien en métaphores d’un désenchantement élégant. Green Tea, plus vaporeuse, glisse sur une ligne de basse nonchalante et un riff cyclique, évoquant les rêveries brumeuses d’un matin sans urgence. C’est la chanson qui te donne envie d’ouvrir la fenêtre juste pour écouter la pluie tomber sur les toits, cigarette à la main, sans rien attendre.
Rollercoaster change de ton : un up-tempo délicatement désaccordé, l’énergie d’un cœur qui bat plus fort qu’il ne le devrait. On y retrouve cette vibe 90’s à la Lemonheads, entre euphorie et lucidité, comme si trainboy nous rappelait que la mélancolie peut aussi danser. Next To Me ramène la lumière : un morceau suspendu, presque amoureux, où la voix s’effrite en même temps qu’elle caresse.
Et puis Rescue You ferme le rideau comme une berceuse post-rock minimaliste, un adieu sans drame, où la guitare semble murmurer « c’est bon, on peut s’aimer doucement maintenant ». On y sent l’écho de DIIV, Wet Leg, voire English Teacher, ces groupes qui savent habiller l’ennui de velours sonore et faire de la simplicité un manifeste.
Stay Inside n’essaie jamais d’en mettre plein la vue — et c’est précisément ce qui le rend précieux. Trainboy s’y tient à hauteur d’homme, sans effets de manche ni promesses tapageuses. C’est un disque de proximité, qui parle bas pour qu’on tende l’oreille, qui n’offre pas de certitudes mais des paysages intérieurs où se perdre un peu.
Un premier EP comme un carnet oublié sur une table de café, couvert de ratures et de fulgurances. Trainboy ne cherche pas à séduire : il observe, il confesse, il se tait. Et dans ce silence-là, tout devient musique.
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