Je me souviens du moment exact où j’ai entendu Le Gisant pour la première fois : cette impression d’être allongé dans un espace clos, ni mort ni vivant, entre deux pulsations du monde. Ce n’était pas une chanson, mais une expérience de suspension. Une montée lente et presque insupportable, où chaque battement semblait dire : « tu peux encore bouger ». C’est ainsi que le collectif Le Comité Restreint parvient à faire du son une matière spirituelle — un souffle artificiel devenu chant humain.
Leur musique a toujours eu quelque chose d’organique, d’instinctif, de profondément incarné. Mais ici, le geste est différent. Le Gisant ne cherche pas à séduire, ni à apaiser. Il dérange, au sens noble : il remue ce qui dormait trop longtemps sous la peau. Les synthés s’y étirent comme des nappes de brouillard électrique, les percussions frappent avec la précision d’un cœur branché à une machine, et la voix — à mi-chemin entre la prière et la confession — semble flotter hors du corps, témoin d’une lente réanimation. On pense parfois à Dead Can Dance, parfois à la densité de Kate Tempest ou à la rigueur d’Arvo Pärt : cette même tension entre la beauté et le vertige, entre la clarté et l’abîme.
Ce morceau s’inscrit dans une œuvre plus large, Révolution, un double album à venir conçu comme une odyssée intérieure. Mais même isolé, Le Gisant tient déjà du manifeste. On y entend la mutation de l’humain face à l’inertie, la lutte contre l’immobilisme – politique, émotionnel, poétique. Le Comité Restreint ne raconte pas seulement l’éveil d’une conscience, il le met en scène dans le corps du son. La batterie respire à notre place, les basses contiennent la fièvre, les textures électroniques se tordent comme des muscles au réveil.
Ce que je ressens, c’est une beauté rugueuse, sans promesse ni apaisement. Une esthétique de la cicatrice. Tout semble calibré pour que la douleur devienne mouvement. Le Gisant est un moment de bascule : quand le silence devient rythme, quand la peur se transforme en battement, quand la mort, au lieu d’être une fin, se fait point de départ.
Le Comité Restreint livre ici une œuvre à la croisée de la poésie et de la transe, un rituel sonore où l’émotion s’affûte à même la tension. Écouter Le Gisant, c’est accepter d’être allongé un instant avec ses fantômes — juste avant de se relever, un peu plus vivant qu’avant.
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