Dans The Feast, Mary Middlefield ne chante pas l’amour — elle le dévore, lentement, avec l’élégance d’un sacrifice consenti. Son morceau a l’allure d’une prière qui s’égare, d’un banquet intérieur où se mêlent la ferveur et la honte, la beauté et la morsure. On y entre comme dans une cathédrale éclairée à la bougie : tout y brûle doucement, jusqu’à la voix elle-même, pure et tremblante, qui se consume sans crier.
Le morceau se déploie dans un clair-obscur saisissant : un piano spectral, des cordes qui frémissent comme un souffle dans une église vide, et cette batterie discrète, presque liturgique, qui rythme l’agonie du désir. Mary ne cherche pas la perfection sonore, mais la justesse émotionnelle — chaque silence semble pesé, chaque crescendo appelle une chute. La production, signée Gwen Buord et magnifiée par le mix d’Alexis Sudan, entoure sa voix d’une aura quasi mystique, à la frontière du sacré et du charnel.
Ce qui frappe, c’est la sincérité brute de sa poésie. “The Feast” évoque cette faim d’être choisie, reconnue, avalée par le regard de l’autre. On y entend la vulnérabilité la plus crue, celle de ceux qui se livrent entièrement, quitte à disparaître dans le processus. Mary Middlefield chante le moment précis où l’amour devient dévotion, où la passion frôle la dépersonnalisation. C’est à la fois romantique et tragique, une offrande et une damnation.
On pense à Weyes Blood pour l’ampleur mystique, à PJ Harvey pour la tension viscérale, à Florence Welch pour l’héroïsme fragile. Mais Mary, elle, sculpte son propre espace, quelque part entre l’éther et le réel, entre la scène et l’intime. On sent dans sa voix la mémoire du théâtre, du silence avant la note, du geste juste avant la chute.
The Feast n’est pas une simple chanson d’amour — c’est une cérémonie. Une liturgie de la perte, une eucharistie profane où la tendresse devient une arme blanche. Mary Middlefield ne supplie pas, elle offre. Et quand la dernière note s’éteint, on reste là, hébété, pris dans le vertige de sa sincérité. Rarement une artiste aura si bien transformé la douleur en beauté, la soumission en transcendance.
Avec The Feast, Mary signe un chef-d’œuvre suspendu, un requiem pour les cœurs affamés — et prouve, une fois encore, qu’on peut écrire sur l’amour comme on écrirait sur la foi : avec le sang encore chaud.
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