On entre dans « Fog of War » comme dans une pièce enfumée où la tension flotte plus épaisse que l’air. M. Woodroe, enfant illégitime du noise et du post-rock, livre ici un morceau qui sent la rouille, la sueur et l’électricité statique. Rien d’aimable. Rien de tiède. Seulement cette matière grise et brûlante que les quatre de Brighton transforment en une tempête contrôlée — une rage tenue au bord du cri, comme un poing qui tremble sans se fermer.
Le morceau se déploie lentement, presque à reculons. Une basse râpeuse rampe sous un mur de guitares distordues, des frappes de batterie sèches, claquantes, résonnent comme des coups de matraque dans un tunnel. Et puis cette voix — défaite, haletante, à la fois distante et désespérée — crache des images de guerre mentale, de paranoïa ordinaire, de bruit blanc qui ronge la pensée. On ne sait plus si le conflit est intérieur ou collectif, et c’est tout le génie de M. Woodroe : brouiller les lignes jusqu’à ce qu’on ne distingue plus le monde extérieur de nos propres fractures.
Il y a du Slint dans la lenteur suspendue, du Sonic Youth dans les dissonances assumées, du METZ dans cette urgence presque physique. Mais « Fog of War » ne copie rien : il incarne un climat. Celui d’une génération au bord de l’explosion, coincée entre l’apathie et la révolte, entre le bruit et le silence. Loin d’un simple défouloir, le morceau agit comme une transe — une méditation violente, poisseuse, d’une beauté noire.
On ressort de là sonné, le souffle court, mais étrangement lucide. Comme si, au milieu du vacarme, M. Woodroe avait réussi à mettre en musique ce brouillard mental qui recouvre nos jours : ce mélange de peur, de colère et de lucidité tardive. Un titre qui ne console pas — il réveille.
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