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Music Pop

Moment suspendu avec VERONNEAU sur Blue Tapestry

Moment suspendu avec VERONNEAU sur Blue Tapestry
  • Publishedoctobre 24, 2025

Oublier le musée, rallumer la pièce. Blue Tapestry refuse la révérence amidonnée pour inventer une zone de proximité où les chansons cessent d’être statues et redeviennent corps. VERONNEAU — voix satinée et grain discret de Lynn Veronneau, guitare claire-obscure de Ken Avis, orfèvrerie de Joe Martinez aux percussions, basse et claviers — tisse un folk-jazz respirant qui privilégie l’idée plutôt que l’icône. Résultat : un disque de peau, de souffle, d’équilibres millimétrés, capable de faire entendre aujourd’hui ce que ces mélodies avaient de révolutionnaire hier : l’audace de parler doucement.

Ouverture par Blue, titre-miroir où tout tient dans la micro-dynamique : attaques velours, réverbération courte, stéréo rapprochée, une manière de tenir l’auditeur à hauteur d’oreille. Le motif nautique ne devient jamais carte postale ; il se dissout en atmosphères fines, guitare en voile, détails de doigts, percussions en bruissement. Carey bifurque avec un battement Bo Diddley en filigrane, tambours “tribaux” dosés au millilitre, couleur chaude sans folklore : le récit gagne du nerf, la danse reste à taille humaine. River préfère les paliers à l’uppercut : “piano” suggéré par la guitare, respiration élargie, clairières harmoniques qui laissent passer la lumière sans la surexposer.

Case of You déploie la patience luxueuse des grandes reprises : temps long assumé, silences sculptés, contrechants parcimonieux ; l’émotion circule comme une onde, jamais comme une démonstration. Côté Carole King, You Make Me Feel (Like A Natural Woman) coupe tout excès de sucre et reprend le pouvoir par l’understatement acoustique : groove retenu, chœurs à hauteur de paume, chaleur sans vibrato « trophée ». So Far Away marche droit, tempo de pas souple, guitare en balancier ; la mélodie tient le cap sans hausser la voix. You’ve Got A Friend retrouve son statut de talisman : promesse murmurée, basse médiane qui berce, pont éclair qui serre le cœur sans forcer. It’s Too Late, enfin, glisse une ombre de bossa en sous-texte ; rupture annoncée avec classe, élégance feutrée, comme une porte que l’on referme sans claquer.

Ce qui fait la différence tient à l’architecture sonore : prises au plus près, air autour des instruments, refus du clinquant. Le trio n’empile pas, il clarifie. Chaque arrangement essaye de répondre à la même question : qu’est-ce qui rend cette chanson nécessaire aujourd’hui ? Ici, pas de performance gymnique ni de modernisation gadget ; une éthique de la proportion. Les harmonies s’ouvrent sans tout montrer, la rythmique pense l’élan plutôt que l’impact, la voix garde un halo humain qui ne cède jamais au spectaculaire.

Blue Tapestry impressionne parce qu’il assume la modestie comme stratégie haute couture. Les standards gagnent une seconde peau, ni vintage ni “reboot”, mais vivante. Pour programmateurs en quête de respirations élégantes, pour noctambules qui préfèrent la braise à l’étincelle, pour celles et ceux qui savent qu’un murmure bien placé vaut un mur de son : cet album est un refuge. On y revient comme on rallume une lampe au crépuscule, certain d’y voir plus clair sans avoir besoin d’éblouissement.

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Written By
Extravafrench

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