Je crois que Baleine n’est pas une chanson, mais un songe avalé. Une hallucination lente qui s’invite dans les poumons, puis dans le ventre, avant de se diluer dans tout le reste. Il y a dans ce titre de La Parade quelque chose d’étrangement viscéral, comme un souvenir d’enfance qu’on aurait laissé tremper trop longtemps dans l’eau salée. Une chanson qui semble se jouer sous la peau, dans cet endroit secret où le silence prend la forme d’un battement.
Écouter Baleine, c’est d’abord sentir la pression de l’eau, cette montée douce et irrésistible de la profondeur. Les boucles aquatiques s’entremêlent aux pulsations graves comme un courant qui nous entraîne, sans brutalité, mais avec l’assurance de ce qui a toujours existé. La voix, elle, se détache à peine, fluide, comme une respiration qu’on n’entend qu’à demi, entre deux mondes. Elle raconte sans forcer, avec cette pudeur rare qu’ont ceux qui savent que la mélancolie n’a besoin d’aucun effet spécial pour exister.
Techniquement, tout y est millimétré — mais c’est une précision qui n’en dit rien, qui se cache derrière la poésie. Le beat, discret et moelleux, évoque une transe paresseuse. Les basses s’étalent, chaudes et cotonneuses, tandis que des synthés à la texture d’algue s’enroulent autour de la voix. On pense au trip-hop des débuts, à une plongée quelque part entre Massive Attack et Dominique A, à cette frontière floue où le spleen se danse encore.
Mais au fond, Baleine n’a pas grand-chose à voir avec ses références. La Parade signe ici un titre d’une étrangeté assumée, une chanson qui s’écoute comme on regarde un aquarium la nuit : tout est lent, presque immobile, mais on devine sous la surface une vie dense, bruissante, amoureuse. Il y a un romantisme moderne dans cette façon de ne rien dire trop fort, d’accepter la beauté du flou, de se laisser traverser sans chercher à comprendre.
C’est peut-être ça, le grand charme de Baleine : une chanson qui ne cherche ni à plaire ni à percer, mais à envelopper. À redonner au corps son poids liquide, à l’esprit sa lenteur. La Parade compose une apnée sentimentale, un voyage dans la matrice bleue de nos émotions, un refuge contre le bruit du monde. Et quand la dernière note s’éteint, on émerge un peu étourdi, trempé de lumière, le cœur battant encore dans la gorge.
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