On entre dans Carpe Diem comme dans un cabaret halluciné, mi-route 66, mi-cauchemars bohèmes. Chellcy Reitsma, artiste totale, y distille une poésie sonore où se frôlent le blues, l’alt-rock, la folk et le rêve éveillé. L’album est une traversée, un autoportrait à ciel ouvert, où chaque titre devient un chapitre de survie.
Tout commence avec Chemicals, un morceau fiévreux et magnétique, où la voix de Chellcy caresse et griffe à la fois. Derrière ses accents trip-hop et ses riffs hypnotiques, on entend la dépendance à la vie moderne, ses excès, ses poisons. Elle y chante la confusion douce-amère de nos existences sous perfusion d’émotions, d’écrans, d’adrénaline. Puis vient Happy New Year, un titre qui s’écoute comme une gueule de bois du cœur. Ce n’est pas une célébration, mais une tentative de renaissance : la nouvelle année comme une promesse fragile, une bouteille lancée à la mer.
Avec Artist’s Plight, Chellcy s’adresse à la solitude de la création. Sa voix, trempée dans le whisky et la poussière, plane au-dessus d’un rock minimal, presque confessionnel. On pense à Patti Smith pour la ferveur, à Leonard Cohen pour la gravité. Le morceau titre, Carpe Diem, condense l’esprit de l’album : une invitation à mordre dans la vie, même quand elle a le goût du fer. C’est une chanson de lutte contre la torpeur, un poème debout, aux arpèges lumineux comme un lever de soleil sur les ruines.
Puis vient Rock ’n’ Roll Soul, véritable déflagration d’énergie et d’âme, où les racines rockabilly de Reitsma explosent dans une cavalcade presque spirituelle. Le morceau sonne comme une déclaration d’identité : “Je suis ici pour danser avec mes fantômes.” Every Time et I Ran Away ramènent la tension dans un registre plus intime. La première, remasterisée, déroule une tendresse douloureuse, un amour perdu qu’on fredonne encore en marchant sous la pluie. La seconde, plus sèche, parle de fuite, d’instinct, d’auto-défense émotionnelle.
Rock ’n’ Roll Lover vient refermer la première boucle : la passion comme acte de foi, la scène comme confession. Et parce que Chellcy est autant une peintre qu’une musicienne, elle revisite elle-même ses œuvres — Chemicals, Happy New Year et Carpe Diem reviennent en versions remixées, plus éthérées, presque cosmiques, comme si le temps les avait dissoutes dans un rêve.
Dans Carpe Diem, chaque mot pèse comme une cicatrice, chaque note brille comme un éclat de verre. Chellcy Reitsma ne chante pas pour séduire : elle témoigne. Elle transforme la vulnérabilité en matière première, l’instabilité en art. Sa voix — rugueuse, vivante, charnelle — ne cherche pas la perfection, elle cherche la vérité.
Ce disque est une œuvre rare : à la fois brut et cinématographique, archaïque et futuriste. Il sent la terre et la fumée, mais il regarde vers le ciel. On en sort comme d’un roman de route ou d’une confession sur un vieux canapé : un peu plus lucide, un peu plus libre, un peu plus vivant. Chellcy Reitsma, avec Carpe Diem, ne nous dit pas de profiter de la vie — elle nous apprend à l’habiter.
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