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Music Pop Rock

Folk de brume et de sang : Steel & Velvet revient avec « People Just Float »

Folk de brume et de sang : Steel & Velvet revient avec « People Just Float »
  • Publishedoctobre 31, 2025

People Just Float est un rituel. Une conversation à voix basse avec les morts, une prière adressée à ceux qui continuent de chanter dans les failles du temps. Steel & Velvet y tisse un dialogue entre passé et présent, entre la ferveur du folk américain et la pudeur d’un artisanat breton, où chaque note devient souffle, chaque silence une confession. On sort de l’écoute comme d’une étreinte un peu trop longue — un peu glacée aussi, mais nécessaire.

Dès Orphan’s Lament, le ton est donné. Reprendre Robbie Basho, c’est oser s’aventurer sur une crête où la musique devient presque mystique. Johann Le Roux chante comme on prie : sans fioritures, avec cette humilité de ceux qui savent que la beauté naît du dépouillement. La guitare de Romuald Ballet-Baz ne l’accompagne pas, elle l’enveloppe, la soutient, la recadre — un fil de lumière tendu au-dessus du vide. C’est une ouverture qui évoque les landes, le vent, la solitude — et déjà, l’ombre du spirituel plane sur le reste du disque.

Puis vient Ring of Fire, que tout le monde croit connaître. Steel & Velvet en fait un tombeau vibrant : le feu n’est plus une passion, mais une braise qui couve dans la gorge. Le duo de guitares, Ballet-Baz et Larreur, déroule une tension feutrée, presque menaçante. Le Roux ne brûle pas, il se consume lentement. Là où Cash rugissait, lui chuchote. C’est un feu intérieur, contenu, presque religieux.

Avec Man in the Long Black Coat, le groupe flirte avec l’ombre. La chanson de Dylan devient ici un film nocturne, un poème d’errance. La voix de Le Roux s’y fait cendre, grave, suspendue entre menace et abandon. La guitare, minimaliste, découpe le silence avec précision. On pense à un western existentialiste, à une route qui ne mène nulle part sinon à soi-même.

Puis Silver — moment de grâce. La fille rejoint le père, et soudain le disque respire autrement. La voix de Jade Le Roux est translucide, presque irréelle, une vibration qui réchauffe le bois froid des guitares. À deux, ils réinventent le morceau des Pixies comme une berceuse fantomatique. Le temps se dilate, le réel s’efface : il ne reste que deux voix suspendues dans un entre-deux poétique. C’est le cœur battant de People Just Float, la jonction entre le charnel et le spirituel, entre le sang et l’éther.

Lake of Fire, lui, rouvre les plaies. C’est la pièce la plus terrienne, la plus rugueuse. On y sent la poussière, la sueur, le feu. La voix de Le Roux, écorchée, se mêle aux guitares comme un cri refoulé. Cette reprise de Curt Kirkwood devient une descente lente, une confrontation avec la chair et le mal. Le titre évoque un enfer tranquille, celui des regrets, des vies brûlées à petit feu.

Enfin In Heaven referme le disque comme un soupir. La chanson de Lynch et Ivers, dans la bouche de Jade Le Roux, se transforme en murmure d’après-monde. Sa voix flotte au-dessus de la guitare de Ballet-Baz comme un souvenir qui ne veut pas mourir. C’est la fin et le recommencement — le moment où la musique cesse d’être un son pour redevenir une sensation, une matière flottante.

Ce qui bouleverse dans People Just Float, c’est cette maîtrise de l’équilibre entre intimité et transcendance. Steel & Velvet ne joue pas la carte du dépouillement pour le style : c’est un geste existentiel, un refus de la surenchère, une quête d’essence. La musique devient ici refuge, seuil, miroir.

On sort de l’écoute un peu tremblant, les sens saturés de silence. Ce disque n’élève pas : il dépose. Il vous laisse sur la rive, un peu plus léger, un peu plus vrai. Les gens, après tout, flottent. Mais Steel & Velvet leur rend une gravité.

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Written By
Extravafrench

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