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Quand le souvenir devient un paysage sonore avec Jaan sur « Baghali »

Quand le souvenir devient un paysage sonore avec Jaan sur « Baghali »
  • Publishedoctobre 31, 2025

Baghali de Jaan est un album qui ne raconte rien de linéaire, mais qui évoque tout. Un carnet de route spectral, composé entre deux aéroports enneigés, dans des hôtels sans fenêtres ou des ruines végétales, où chaque son semble enregistré sur le fil de l’oubli.

https://jaanmusic.bandcamp.com/album/baghali

Dès Scented Feathers, on entre dans un état de flottement. Des percussions feutrées, des bruissements de vent, une mélodie de mandoline suspendue. C’est un souvenir d’Orient rêvé à travers un synthétiseur usé, une carte postale qui aurait pris l’eau. Jaan ne cherche pas à reproduire le réel — il en restitue la vibration, comme un photographe de l’invisible.

Puis vient Purple Watermelon, où l’album commence véritablement à respirer. Le morceau pulse d’une énergie tranquille, entre groove absent et mysticisme latent. On y entend des claviers au bord de la désintégration, des lignes électroniques qui tremblent comme des mirages dans l’air chaud. C’est l’un des plus beaux paradoxes de Jaan : faire cohabiter la poussière et la modernité, le glitch et la grâce.

Feverish Heights fait exploser les repères. Ici, tout est trouble : un battement de cœur amplifié, des nappes qui s’effritent, des harmonies qui se dérobent. On pense à la mélancolie industrielle d’un Jon Hassell enfermé dans un souk. L’espace se plie, se dilate — c’est un vertige.

Dans The Lust Greens Of This Restless Mind, la nature reprend ses droits. Le morceau sent la terre humide et le métal oxydé. Les instruments bricolés, les respirations captées au micro, tout contribue à ce sentiment d’écoute viscérale. Jaan nous ramène à quelque chose de primal : un son sans frontière, sans genre, où le sacré et le trivial s’enlacent.

The Girl Is A Lady et Mashid poursuivent cette exploration du trouble : des voix échantillonnées passent comme des fantômes, des guitares orientales s’enroulent autour d’une basse hésitante, et l’on perçoit, dans la désinvolture du jeu, une profonde mélancolie. Pomegranate Garden, elle, ouvre une brèche lumineuse — un moment de grâce pure, fragile comme un souvenir heureux qu’on sait condamné à disparaître.

Fragments of Home condense tout le disque : un fragment d’accord, une boucle brisée, un sentiment d’appartenance perdu. On est là, entre deux mondes, ni tout à fait chez soi ni tout à fait ailleurs. Jaan fait de l’errance un art.

Et puis il y a Velesh Kon, la pièce finale, presque huit minutes de dérive totale. Un morceau comme une transe, un voyage sans retour dans le brouillard des fréquences. On y perçoit des battements de tambours lointains, des bruits de métal, un chant sans mots — c’est le cœur même de Baghali, la tentative d’ordonner le chaos du monde sans jamais le réduire.

Ce disque respire, trébuche, s’égare, revient sur ses pas. Il a la fragilité des choses faites main, le souffle chaud des musiques de l’exil et la rigueur des architectures sonores contemporaines.

Avec Baghali, Jaan signe une œuvre d’ombre et de lumière, une cartographie de l’intime où chaque son semble provenir d’un ailleurs en train de s’éteindre. C’est une musique de déraciné et de poète, un rêve cousu de fragments, un album qu’on n’écoute pas pour le comprendre, mais pour s’y perdre — lentement, magnifiquement.

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Written By
Extravafrench

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