J’ai écouté cette chanson comme on entrouvre une porte sur le vide. Il y a, dans The Lighthouse Keeper’s Widow de Neural Pantheon, quelque chose d’à la fois sacré et abîmé — une prière murmurée dans un coquillage brisé. Ce n’est pas une simple ballade maritime, c’est un drame fantomatique, une histoire d’amour avalée par le sel, une confession que la mer seule pouvait entendre.
Tout commence dans un souffle, presque rien : une guitare solitaire, quelques nappes de claviers comme des vagues lentes. On croit d’abord à un morceau de folk apaisé, mais très vite, l’océan s’agite. Le son enfle, s’épaissit, se charge de cette tension propre aux nuits sans lune. La voix surgit alors — rauque, hantée, trop humaine — et soudain, on comprend : ce n’est pas un chant d’amour, c’est un requiem pour ceux qu’on a dû laisser se noyer.
Neural Pantheon, derrière son nom de temple futuriste, travaille la musique comme on fouille une épave : avec précaution, en cherchant dans les débris la trace d’un cœur qui bat encore. Les arrangements oscillent entre le pop rock et l’art rock, flirtant parfois avec un lyrisme à la Peter Gabriel ou un spleen à la Jeff Buckley, mais toujours avec cette retenue qui transforme la douleur en beauté. La production est d’une clarté presque cruelle : chaque accord semble ciselé à la lampe-tempête, chaque silence pèse comme une absence.
Et puis il y a cette idée de fin — pas seulement celle d’un album conceptuel, mais celle d’un cycle. The Lighthouse Keeper’s Widow clôture l’œuvre comme une dernière lueur dans le brouillard, une main levée qu’on devine depuis le rivage avant qu’elle ne disparaisse. On y sent la fatigue des âmes, la lenteur des marées, la solitude immense des survivants. C’est à la fois un cri et un apaisement, une offrande faite à la mer.
À mesure que la chanson s’éteint, on reste suspendu, comme si la lumière du phare continuait de tourner au loin, guidant ceux qui n’arriveront jamais. Neural Pantheon a réussi ce que peu de groupes osent : transformer la mélancolie en mythe, faire de la perte une œuvre vivante. On sort de cette écoute un peu trempé, un peu vidé, mais étrangement apaisé — comme si, quelque part, dans ce tumulte sonore, on avait enfin appris à dire adieu.
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