Certains morceaux qui sentent la poussière chaude des vinyles, la colle des cassettes et les néons froids d’un studio à trois heures du matin. Nuff Trickery appartient à cette espèce rare : un titre qui ne cherche ni la mode ni le buzz, mais la vérité dans le son, brute, texturée, imparfaite. Rad Brown, producteur alchimiste à la mémoire infinie, s’y livre à une archéologie du hip-hop, déterrant des fragments de Björk, Nas et même Danny Elfman pour bâtir une cathédrale sonore où chaque sample devient une pierre précieuse.
Le beat est dense, organique, tout en couches qui se chevauchent et se contredisent : des cordes inquiétantes, des nappes cinématographiques, des basses qui semblent respirer. On sent la main d’un collectionneur maniaque, quelqu’un qui ne produit pas pour séduire mais pour convoquer les fantômes. Rad Brown appartient à cette lignée d’artisans de la MPC qui pensent le hip-hop comme un langage de collage, un dialogue entre passé et présent, entre culture populaire et art total.
Et puis il y a Moka Only, revenant mythique du rap canadien, ici dans une forme presque chamanique. Son flow ne cherche pas la virtuosité mais la vérité. Il avance, nonchalant, précis, comme s’il récitait un mantra contre l’imposture — celle de l’industrie, du faux bling, des égos en toc. Il parle d’authenticité sans la nommer, de survie sans la glorifier. Nuff Trickery, c’est le refus du spectacle. Un refus élégant, fier, et profondément musical.
Ce morceau n’est pas nostalgique ; il est intemporel. Il nous rappelle pourquoi le hip-hop, avant d’être une culture de consommation, fut une culture de résistance. Rad Brown ne copie pas les années 90 — il les prolonge, les réinvente, les actualise avec la tendresse d’un historien et la fougue d’un hacker sonore. Son utilisation du sample est politique : chaque boucle volée devient un geste de liberté.
Dans un monde saturé de productions interchangeables, Nuff Trickery respire comme un espace sacré. On y retrouve l’esprit du crate digging, l’odeur des vinyles poussiéreux, la sueur du vrai travail. C’est un morceau qui ne cherche pas à t’impressionner, mais à te reconnecter — à ton oreille, à ta mémoire, à ce qu’il reste de sincérité dans le rap.
Rad Brown et Moka Only signent ici un rappel magistral : le hip-hop n’a jamais eu besoin de tours de passe-passe. Seulement d’une âme, d’un rythme, et d’une idée juste.
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