« Sous les néons froids du nord, Killing Kind revient hanter le présent avec “Being Human”, un album où le post-punk scandinave retrouve sa noirceur première — celle des hommes perdus entre la chair, la peur et la machine. »
Il y a dans la musique de Killing Kind quelque chose d’irréductiblement humain, au sens le plus désespéré du terme. Une vibration glacée qui vient de loin — des caves gothiques de Göteborg, des rêves cabossés des années 80 — et qui, en 2025, résonne avec une acuité presque prophétique. Being Human, leur second album, est un miroir fissuré de notre époque : onze morceaux comme autant d’exorcismes, où la mélodie et la menace se mêlent jusqu’à se confondre.
Enregistré au mythique Sunlight Studio avec Tomas Skogsberg (Entombed, The Hellacopters), le disque prolonge la tension sonore du premier album tout en l’assombrissant. La production est dense, presque suffocante — entre les guitares spectrales de Björn Norberg, les synthés inquiétants de Mats Wigerdal et la batterie tellurique de Mats Molund. Les collaborations — notamment Cecilia Germain, Lidija Radmilac et Ernst Erlanson — apportent des nuances spectrales, des respirations ténues dans un monde qui s’effondre.
Le disque s’ouvre sur “Humanity”, sorte de litanie glaciale, où le chant se heurte à des lignes synthétiques comme un cri étouffé sous la neige. Puis vient “Desperately Holding On”, premier single et cœur battant du projet — une mélodie suspendue entre l’espoir et la ruine, Depeche Mode revisité par un cauchemar industriel. “The Wall” renverse les codes du goth-rock classique : basse vrombissante, refrains murmurés, tension permanente.
Plus loin, “Dance” fait danser les ruines sur un beat martial, pendant que “Go Away” déroule un spleen quasi glam, une élégance vénéneuse qui évoque Bowie période Outside. “Warriors and Carpenters”, morceau pivot, s’élève comme une prière funèbre — synthés ascendants, voix chamanique — un hymne pour un monde au bord du gouffre.
Le trip s’assombrit avec “Choking”, pulsation suffocante aux accents industriels, et “Let the Demons Take the Win”, moment de grâce noire où la mélodie épouse la résignation. Puis vient “The Nature of Fear”, synthèse parfaite du propos de l’album : une ballade post-apocalyptique, où la peur devient presque belle. “Never So Cold” creuse cette même veine, lent, presque liturgique, avant que “Distant World” ne ferme la porte — un dernier regard vers un ailleurs impossible, bercé de drones et de violons désaccordés.
Killing Kind signe ici un disque total — enraciné dans la tradition post-punk suédoise (on pense à Blue for Two, Cortex, Kitchen & the Plastic Spoons), mais animé d’une urgence nouvelle. Les influences se devinent (Joy Division, Fad Gadget, Bowie), sans jamais dominer. Ce qui frappe, c’est la cohérence : tout, du son aux textes, semble graviter autour d’une idée centrale — survivre à l’effondrement sans renoncer à la beauté.
À l’heure où l’humanité se cherche un sens entre apocalypse et algorithmes, Being Human agit comme une catharsis électrique : un cri venu du froid, lucide et déchirant. Un disque de chair et de fer, de désespoir et d’éclat.
Une œuvre nécessaire, à écouter la nuit, seul, quand tout paraît trop bruyant.
Parce que parfois, il faut se souvenir que être humain, c’est aussi accepter de sombrer un peu.
https://www.instagram.com/killingkindband
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