« Un hymne bigarré, étrange et sincère, où la grandeur du prog rencontre la naïveté lumineuse des chansons d’enfants.«
Il y a des groupes qui complexifient tout — et d’autres qui simplifient le monde pour mieux le réenchanter. Transgalactica, figure atypique du rock progressif polonais, a toujours su faire dialoguer la science, la philosophie et la démesure sonique. Mais avec Reweaving a Rainbow, le groupe prend tout le monde à contre-pied : une chanson pour enfants… ou plutôt, une chanson pour les adultes qui ont oublié comment rêver.
Inspiré par la légèreté ironique de Stravinsky dans Pulcinella, le morceau tisse une fresque néoclassique à la fois espiègle et politique. Les guitares, d’ordinaire monumentales, se font cristallines ; les claviers respirent comme des bulles de savon, et la voix de Lukky Sparxx, jusqu’ici connue pour ses rugissements heavy metal, s’y promène avec douceur, presque tendresse. Il ne chante plus la colère — il chante la possibilité. Celle de repeindre le monde d’un geste d’enfant, avec des couleurs qui symbolisent tout ce que notre époque a terni : la raison, la science, la loi, l’espoir.
Transgalactica ne compose pas ici un simple pastiche enfantin. Reweaving a Rainbow est une parabole musicale, une utopie miniature. Les harmonies s’empilent comme des arcs colorés, le rythme évoque une marche lente vers la lumière, et les envolées mélodiques rappellent les grandes heures du rock symphonique des seventies — quelque part entre Genesis et Camel, avec une touche de fantaisie cosmique à la ELO. Le tout baigne dans une production à la fois ample et artisanale, fidèle à la tradition du prog européen : minutieuse, foisonnante, sincèrement anachronique.
Mais derrière la candeur, il y a une réflexion très adulte. Le “rainbow” que Transgalactica propose de retisser n’est pas seulement celui de l’arc-en-ciel des enfants — c’est celui des droits humains, du progrès scientifique, de la démocratie menacée. Une métaphore limpide et pourtant bouleversante dans sa simplicité : quand l’art se fait le relais d’un idéal perdu.
Et puis, il y a ce paradoxe délicieux : un groupe de rock progressif baroque, obsédé par les voyages interstellaires et la philosophie politique, se met soudain à faire danser les mômes sur des idées de Kant et des échos de Stravinsky. Qui d’autre que Transgalactica aurait osé un tel grand écart ?
Ce qui frappe, c’est à quel point la chanson garde, malgré son message, une forme d’innocence. C’est un sourire après la pluie. Une leçon de dérision face au chaos du monde. “Reweaving a Rainbow” prouve qu’il existe encore des musiciens capables de croire que la musique peut changer quelque chose — pas en criant plus fort, mais en chantant plus juste.
Transgalactica vient d’offrir au rock progressif une fable arc-en-ciel teintée de pop, un conte moderne où l’utopie se danse et se fredonne. Et peut-être, au fond, c’est exactement ce dont on avait besoin.
Instagram : transgalaktica
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