« Une caresse orientale qui flotte comme un souffle ancien, entre méditation, mémoire et chaleur acoustique. »
J’ai vécu The Soul Is Sailing comme on vit une chambre d’aube : en silence d’abord, puis avec ce léger tremblement du cœur qui accepte enfin de s’apaiser. Ce morceau n’est pas un titre à écouter, c’est un espace à traverser. Une zone tiède, suspendue, où les gestes se font plus lents, les pensées plus souples, et où quelque chose — peut-être soi-même, peut-être un souvenir oublié — recommence à respirer.
Dès les premières secondes, on sent le grain particulier d’un son façonné à la main : une guitare en bois massif qui sonne comme si elle avait chauffé toute la nuit au soleil de Galilée, un souffle vocal venu d’un lieu intime et presque sacré, un frémissement rythmique qui évoque le sable déplacé doucement par le vent. La présence des influences orientales et méditerranéennes ne relève pas de l’effet cosmétique : elle coule ici comme une langue maternelle, instinctive, viscérale. On y entend un pays, une terre, des routes poussiéreuses, des marches lentes au bord d’un wadi, des soirs d’été où tout semble suspendu.
Ce qui bouleverse, c’est l’humanité du morceau. La fragilité assumée dans la voix, en hébreu, qui semble raconter une histoire que chacun porte sans jamais l’avouer : celle d’un corps qui vieillit, d’une âme qui cherche à rester entière, d’un désir de croire malgré la fatigue, de comprendre ce qu’il reste quand on gratte la surface, quand on se dépouille des rôles. Il y a dans The Soul Is Sailing une forme d’acceptation douce, presque compatissante, comme si le titre murmurait : Reste là. Laisse la vie te traverser, tu n’as rien à prouver.
On sent également la marque d’une collaboration rare : Amir Lev, trente ans de création, capable de transformer trois notes en poignard ou en baume, et Eyal Zusman, qui arrive avec sa sensibilité de comédien, sa façon de modeler les émotions comme on modèle un personnage. Ensemble, ils ne cherchent pas l’épate : ils cherchent l’essentiel. Ils enregistrent en live, avec des instruments acoustiques qui respirent, qui craquent légèrement, qui trahissent la présence du geste. Ce réalisme sonore donne au morceau un relief presque tactile — on pourrait croire sentir les fibres du bois sous les doigts.
Ce qui tient du miracle, c’est cette manière de tisser un pont entre la musique ambient occidentale et le souffle méditerranéen, entre la contemplation et la narration, entre l’intime et le sacré. On pense parfois à Worakls pour la construction émotionnelle, mais ici, le minimalisme est plus organique, moins spectaculaire : il tient de la confidence, pas du climax.
The Soul Is Sailing ressemble à une lanterne laissée près d’une rivière la nuit. Elle éclaire juste assez pour qu’on avance, sans brusquer le noir autour. Elle dit que l’âme, elle aussi, peut se défaire de son poids, dériver doucement vers d’autres rives, et peut-être — peut-être — renaître sous une autre forme.
Un morceau pour flotter. Pour déposer. Pour s’ouvrir. Pour laisser une part de soi reprendre la mer.
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