« Bloody Mary murmure d’abord comme une pensée dangereuse qu’on n’ose pas dire à voix haute, puis explose en un cri qui libère bien plus qu’il ne détruit. »
Il y a des duos qui ne se rencontrent pas : ils se heurtent, ils se percutent, ils s’électrisent. Et dans ce frottement, il se passe une chose rare : une vérité brute se met à chanter. Bloody Mary, premier morceau de Jessi & Joseph, porte exactement cette charge — une intensité presque accidentelle, presque trop sincère pour un premier geste. Comme si le duo s’était retrouvé en studio avec une urgence : dire ce qui ronge, ce qui isole, ce qui déraille, avant que ça ne déborde ailleurs.
Le morceau démarre avec une retenue trompeuse. Une tension suspendue, une guitare qui semble tailler l’air autour d’elle, un espace qui respire comme une pièce où quelqu’un tourne en rond, incapable de s’arrêter de penser. La voix de Jessi arrive alors — vulnérable, vibrante, mais déjà au bord de quelque chose. Elle ne raconte pas : elle incarne la fatigue mentale, le vertige intérieur, cette spirale qui fait de la solitude un couloir sans fenêtre. Son timbre a cette façon de s’effriter sur certaines consonnes, comme si les mots eux-mêmes pesaient trop lourd.
Puis Joseph fait entrer le morceau dans une autre dimension. On sent dans sa batterie l’histoire d’un musicien qui a longtemps écrit dans l’ombre, obsédé par une muse qui ne savait pas encore qu’elle en était une. Ses frappes ne rythment pas : elles dévoilent. Elles font remonter l’impulsivité, la colère rentrée, les pulsions qui frôlent les limites. On est là, entre un rock alternatif affûté et un progressif qui assume ses embranchements, ses ruptures, ses escalades. C’est un morceau qui avance par spasmes, par impulsions émotionnelles plus que par structure classique.
La montée est magistrale. Le refrain, presque arraché, transforme la souffrance en matière vive. Bloody Mary devient un cri partagé, un miroir tendu à toutes ces pensées qu’on n’avoue pas, ces gestes qu’on imagine sans les faire, ces nuits où l’on négocie avec soi-même. Et cette honnêteté, viscérale, presque crue, fait toute la beauté du morceau : il n’est jamais décoratif. Il est nécessaire.
Il y a aussi la dimension presque cinématographique de ce duo. Jessi, muse involontaire, voix incandescente. Joseph, batteur poète, créateur d’une cartographie émotionnelle complexe. À deux, ils signent un premier titre qui n’a rien du brouillon débutant. C’est une œuvre qui assume ses zones sombres, ses angles tranchants, ses malaises – pour les transformer en quelque chose qui ressemble, enfin, à un exutoire.
Bloody Mary n’est pas une simple entrée en matière : c’est une déflagration. Une déclaration d’intention. Et un avertissement doux-amer : Jessi & Joseph ne viennent pas pour rassurer — ils viennent pour dire vrai. Et c’est exactement ce qui les rend déjà incontournables.
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