“Shortcut Jenny avance comme un organisme vivant, un battement technicolor qui semble improviser sa propre naissance sous nos yeux.”
Je n’ai pas eu l’impression d’écouter un morceau. Plutôt une trajectoire. Une manière qu’a la musique de se propulser, de se contracter, de se déployer à vitesse variable — comme un système nerveux mis à nu. VAAGUE, alias Antoine Pierre, connaît trop bien les dynamiques du vivant pour se contenter d’une simple structure électronique. On sent derrière chaque mesure l’ADN du batteur, cette intelligence du rythme qui ne se limite pas au tempo mais qui respire, se contredit, ose la rupture.
Shortcut Jenny démarre par une tension presque organique : une pulsation qui hésite, frémit, puis décroche soudain dans une expansion presque liquide. Les premières secondes ont l’allure d’un prélude — comme si l’artiste prenait le temps de tendre l’élastique avant de le lâcher. Et quand le morceau bascule réellement, c’est avec une précision chirurgicale : une avalanche d’éléments club, bass music, drum-and-bass, mais filtrés par un instinct profondément humain. Rien n’est mécanique. Tout semble improvisé, alors qu’on devine une méthode rigoureuse, proche de l’écriture jazz.
La voix — filtrée, spectralisée — ne raconte pas une histoire, elle sert d’incantation. Elle s’étire dans le mix comme un fil de lumière pris au vent. Une présence fragile qui ne se place pas devant la musique mais qui s’enroule autour d’elle, ajoutant à cette impression d’être face à un organisme hybride. C’est une voix-mouvement. Une voix-impulsion.
Ce qui fait la singularité du projet VAAGUE transparaît ici avec une limpidité étonnante : cette fusion entre acoustique et électronique, entre frappe humaine et texture numérique, entre énergie brute et sophistication futuriste. Shortcut Jenny s’inscrit dans cette lignée, mais pousse la logique plus loin encore. Il y a des échos de jungle, des respirations ambient, des syncopes qui rappellent autant les clubs moites que certaines installations sonores contemporaines. Chaque fréquence semble vivante, comme si l’ordinateur et le batteur se défiaient en temps réel.
Les couches se multiplient, se retirent, reviennent. On n’est jamais dans l’empilage ; toujours dans l’interaction. VAAGUE sculpte l’espace avec une forme de sensualité abstraite, un geste précis mais imprévisible. Le morceau évolue comme une créature nocturne, son corps changeant selon la façon dont on l’écoute : casque vissé, volume généreux, la texture devient presque tactile ; en fond sonore, elle suggère plutôt une atmosphère inédite, un territoire à explorer.
Shortcut Jenny ne cherche pas le hit, il cherche la sensation. C’est une musique qui se vit, qui se traverse, qui vous saisit parfois sans prévenir. Une pièce qui rappelle que l’électronique peut être un terrain d’improvisation aussi libre, aussi nerveux et aussi incandescent que n’importe quel ensemble acoustique.
VAAGUE ne signe pas un single : il ouvre une brèche. Une déflagration contrôlée qui prouve, une fois encore, que la scène européenne de l’indie électronique a trouvé l’un de ses cœurs battants.
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