« Une chanson qui s’écoute comme on traverse un rêve lucide : les contours vacillent, le monde s’éloigne, et quelque chose en nous commence enfin à parler. »
“Born On a Train” n’arrive pas comme un single de plus à écouter : il se comporte plutôt comme un souvenir qui remonte sans prévenir. Hallucinophonics y déploie un folk-rock spectral où chaque élément semble flotter dans l’air, détaché de la pesanteur du quotidien. Rien n’est massif, rien n’est démonstratif — mais tout est chargé, intensément chargé. On entre dans le morceau comme dans un wagon désert illuminé par une lumière de fin de nuit, cet espace mental entre la veille et le sommeil où les pensées sont plus franches que d’habitude.
La construction du titre repose sur une sobriété calculée : guitare acoustique qui avance avec la régularité d’un rail, basse souterraine qui pulse comme un second cœur, voix masculine qui s’approche presque chuchotée, comme si elle racontait une vérité qu’elle hésite encore à admettre. La simplicité apparente agit comme un piège : derrière chaque accord, une tension invisible se glisse, un frémissement qui ouvre un couloir introspectif. L’esthétique cinématographique est palpable, mais jamais écrasante — on n’est pas dans la grandiloquence, on est dans la précision émotionnelle.
Ce qui donne au morceau sa force, c’est l’idée centrale : être “né dans un train”. C’est plus qu’une image ; c’est une condition, une fatalité douce-amère. Le personnage n’est jamais vraiment à l’arrêt. Il porte dans ses veines cette accélération perpétuelle, cet héritage d’agitation, cette impossibilité de se poser vraiment quelque part. La métaphore prend des airs de destin familial, comme si chaque membre se transformait en véhicule d’une trajectoire qu’il n’a pas choisie. La mélancolie, ici, n’est pas décorative : elle devient une cartographie intérieure.
Les influences — de Nick Drake à Pink Floyd en passant par The National — s’entendent en transparence, mais Hallucinophonics en tire une matière très personnelle. À mesure que le morceau progresse, on a la sensation étrange que le décor s’élargit, que quelque chose s’ouvre devant nous sans jamais se montrer. La rythmique, régulière mais jamais pressante, agit comme une hypnose subtile. Un filetage psychédélique traverse l’ensemble : presque rien, mais juste assez pour dérégler la perception et créer une immersion totale sous casque.
“Born On a Train” n’est pas fait pour les playlists distraites. C’est une respiration lente, une exploration de l’identité en mouvement, un fragment de cinéma intérieur qui prépare le terrain pour Falling, l’album annoncé pour 2026. Une chanson pour ceux qui marchent vite sans savoir pourquoi, pour ceux qui n’arrivent pas à descendre du train, pour ceux qui ont besoin que la musique leur rappelle que le mouvement aussi peut être une forme de vérité.
Un titre discret, mais redoutablement persistant — comme un paysage qu’on n’oublie pas, même s’il n’a jamais vraiment existé.
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