« Une musique qui ne raconte pas : elle observe, flotte, et laisse au silence le luxe d’être éloquent. »
Il y a des EP qui cherchent à séduire, et d’autres qui cherchent à respirer. When It Was Quiet, le nouveau triptyque du trio anglo-italien mUmbo, appartient à cette seconde espèce — rare, subtile, presque clandestine. Un disque qui se tient légèrement en retrait, comme un visage aperçu derrière une vitre, mais dont chaque vibration semble étrangement familière. Emma Semple, Doug MacGowan et Antonio Dalé tissent ici un espace où tout bouge lentement : la lumière, les voix, les ombres, le temps. Trois morceaux suffisent pour bâtir une géographie intérieure, celle d’une musique qui préfère l’allusion au grand geste, la perception au récit.
La première balise du voyage, You Can Do What You Want To, est un paysage-narration à la frontière du cinéma et du rêve. La guitare de MacGowan y avance comme une caméra portée, sensible aux détails, captant la poussière dans l’air. La voix d’Emma Semple — mi-voilée, mi-vibrante — déroule un fil narratif qui ne force jamais, comme si chaque phrase était posée sur une eau immobile. Le morceau possède cette lenteur magnétique des scènes importantes des films de Wim Wenders : un mouvement à peine perceptible, mais chargé d’une émotion dense. La viola et le violon surgissent par capillarité, dessinant une tension discrète qui fait respirer la chanson autrement.
You Know The Song est son miroir trouble. Ici, mUmbo glisse vers quelque chose de plus atmosphérique, presque spectral. Le titre ressemble à un souvenir qui tente de se rappeler lui-même : des couches de guitares aériennes, des réminiscences mélodiques, une voix qui semble chanter depuis un lieu intermédiaire — pas tout à fait éveillé, pas tout à fait endormi. On y sent l’héritage des Cocteau Twins dans l’usage du timbre comme matière vivante, mais aussi cette douceur brumeuse que Mazzy Star savait offrir. La chanson se déploie comme un parfum : en nuances, en halos, en suspensions.
Puis vient Worm Moon, peut-être le morceau le plus délicatement étrange du trio. Ici, la lune n’est pas un symbole romantique mais un phénomène, une lueur qui transforme les objets et les humeurs. Le titre se construit sur une pulsation discrète, une respiration circulaire qui avance par touches, comme un brouillon de lumière. Les cordes flûtent, la guitare se fait texture, et la voix d’Emma Semple se rapproche davantage du murmure que du chant. Le morceau semble décrire cet instant où la réalité bascule imperceptiblement vers le rêve : une frontière poreuse, tremblante. La production, volontairement minimaliste, laisse le vide faire partie intégrante du récit.
Avec When It Was Quiet, mUmbo signe un EP qui ne cherche à convaincre personne — il propose. Il propose un monde légèrement dissocié, mais jamais froid ; un monde où l’on observe les choses comme si elles avaient glissé d’un millimètre dans une dimension parallèle. Trois chansons comme trois micro-climats, portées par la collaboration transfrontalière du trio, qui envoie ses idées comme d’autres envoient des cartes postales : un échange fluide, organique, sans emphase.
C’est un disque pour ceux qui aiment que la musique laisse une trace invisible sur les murs. Un disque qui écoute autant qu’il parle. Un disque qui porte bien son nom : When It Was Quiet, un moment suspendu dans l’inconscient, que mUmbo a su rendre audible.
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