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Music Rock

West Wickhams lâche « Sakura » : l’éphémère comme arme secrète

West Wickhams lâche « Sakura » : l’éphémère comme arme secrète
  • Publishednovembre 28, 2025

« Sakura est un mirage lo-fi, une chambre hantée par des synthés brumeux où chaque morceau se désintègre au moment même où il vous touche. »

À écouter Sakura, on a l’impression que West Wickhams — Jon Othello et Elle Flores — ne composent pas vraiment des chansons, mais des visions. Des fragments qu’on attrape en plein vol, juste avant qu’ils ne s’effacent comme les pétales de cerisiers dont l’EP emprunte le nom. Leur univers, post-punk de chambre saturé de mystique et de brouillard, s’alimente autant aux mythes gothiques qu’à la fragilité japonaise du mono no aware. Et pourtant, rien ici n’a le poids du passé : tout scintille, tout tremble, tout fuit.

Le voyage commence avec Up to the Old Tricks, miniature nerveuse où guitares en pointillés et chant fantomatique donnent l’impression d’un groupe qui flotte entre ruelle humide et rêve éveillé. Jon et Elle y soufflent une malice sombre, presque enfantine, comme si revisiter les “vieux tours” revenait à convoquer des esprits familiers. En 2’31, ils posent la signature : rapide, acide, et étrangement doux.

Puis Ice Block surgit, glacé comme son nom mais traversé de micro-fissures émotionnelles. La ligne de basse y avance avec une élégante lassitude, pendant que les synthés suintent une chaleur inattendue. On dirait une chanson écrite pour un film qui n’existe pas : une scène nocturne, une ville qui retient son souffle, deux silhouettes qui se cherchent sans se trouver.

Avec As the Camera Shuts, l’EP se replie sur lui-même. C’est le morceau le plus fragile, un instant suspendu où la voix semble enregistrée à un souffle du micro, presque trop près, presque trop vrai. Le titre dit tout : la fermeture d’un diaphragme, un cliché volé, un souvenir qui se décide à survivre ou s’effacer. West Wickhams maîtrisent l’art du presque-rien qui fend le cœur.

EQ The Viper injecte une nervosité différente. Plus serré, plus anguleux, ce titre a l’énergie d’un poème punk passé sous LSD, une danse venimeuse où le duo joue avec l’idée de métamorphose permanente. Le serpent devient une métaphore du son lui-même : sinueux, imprévisible, prêt à mordre puis se dissoudre dans la fumée.

L’EP se clôt sur Save Yourselves, deux mots qui semblent à la fois un conseil ironique et un constat lucide. Le morceau est une ascension discrète, presque sacrée, où la mélodie avance comme une procession gothique. On y retrouve ce sentiment de fuite — non pas pour échapper au monde, mais pour mieux s’y tenir, dans cette esthétique où tout finit par se déliter. C’est peut-être le titre le plus proche de cette idée centrale de Sakura : la beauté qui se sait fugace.

West Wickhams font de la musique comme on écrit depuis une île brumeuse ou une chambre trop petite pour leurs rêves. Sakura est un geste délicat et ténébreux, un EP-loquet sur une porte entre les vivants et leurs fantômes. Et il faut saluer cette manière d’embrasser la brièveté — pas par manque, mais par choix esthétique.

Un disque qui ne s’écoute pas : il se respire avant de disparaître.

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Written By
Extravafrench

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