« Jody respire comme un souvenir qu’on croyait solidifié, mais qui se remet à battre lorsqu’on ose enfin s’y replonger. »
Il y a des groupes qui se rêvent colosses sonores, toujours dans la tension, le riff, l’impact. Et puis il y a ce moment rare où l’un d’eux accepte de poser les armes, de desserrer l’étau, de révéler ce qu’il retient d’habitude derrière les amplis. Jody est précisément ce moment pour Reetoxa : une faille ouverte dans la cuirasse, une confession tenue du bout des doigts, un morceau qui ne se contente plus de jouer fort mais d’exister vrai.
Ce qui frappe d’abord, c’est la douceur lumineuse qui s’installe comme un souffle inavoué. On sent qu’à l’origine, Jody avait été pensée comme une simple ballade d’amour — le genre d’hommage doux-amer qu’on écrit à vingt ans, persuadé d’y enfermer une éternité. Mais la vie, évidemment, a ses contre-champs. La chanson est revenue des années plus tard, remodelée par la rupture, l’amitié perdue, le recul nécessaire, l’angle légèrement brisé du cœur qui a dû se remettre à battre autrement. À l’écoute, ça se perçoit partout : dans ce mélange de nostalgie et de maturité, dans la façon dont la voix de Jason vacille à peine, comme si elle tirait un fil qu’il hésite encore à lâcher.
Reetoxa a toujours su jouer avec la rugosité, mais Jody offre cette autre face, plus tendre, plus fragile, presque nue. Les guitares n’y grondent pas : elles veillent. Elles enveloppent. Elles tiennent la chanson comme on tient quelqu’un qu’on a longtemps laissé tomber. La production, d’ailleurs, laisse beaucoup d’espace — un espace volontaire, presque pudique — qui permet à chaque note d’exister sans forcer. L’émotion, elle, se glisse dans les interstices : un vibrato retenu, une respiration trop longue, une ligne harmonique qui revient comme un leitmotiv intime.
Ce morceau, écrit en 2001 mais resté comme un talisman dans la poche de Jason, trouve enfin sa place dans Pines Salad, et cela s’entend. Jody est un point d’équilibre : un entre-deux où le groupe cesse de performer pour simplement confier ce qu’il a longtemps tu. Un fragment de vérité, pas culotté mais nécessaire, qui prouve que Reetoxa sait passer de la force brute à la vulnérabilité la plus délicate sans perdre son identité.
Si le groupe espère que le morceau devienne viral, on comprend pourquoi : Jody a ce charme intemporel des ballades qui n’ont besoin d’aucun artifice pour toucher juste. Une simplicité désarmante, presque old school, mais portée par une honnêteté qui, elle, ne vieillit jamais.
C’est peut-être ça, finalement, la réussite : faire d’un chagrin ancien une chanson nouvelle, et laisser la tendresse gagner.
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