« Now I’m Wiser respire comme un homme qui pose enfin son sac de pierres au bord de la route et décide de continuer plus léger. »
John Smyths chante comme quelqu’un qui a vécu plusieurs vies — certaines choisies, d’autres subies — et Now I’m Wiser en porte les cicatrices, les illuminations tardives et la tendresse rugueuse. Rien à voir avec les cowboys impeccables de Nashville : Smyths, lui, vient des marges. D’un parcours cabossé entre Nijmegen, l’Allemagne, des années rock’n’roll trop bruyantes pour être sages, et cette lente dérive vers la country, ce continent musical où l’on finit toujours par échouer quand la vie vous a suffisamment bousculé.
Sa voix porte cette histoire : chaude, légèrement fêlée, empreinte d’un réalisme sans chiqué. On y entend Conway Twitty dans la manière d’arrondir le désespoir, Hank Williams dans l’art de transformer la solitude en rituel, Waylon Jennings pour ce goût du franc-parler qui ne cherche pas l’embellie. Now I’m Wiser ne s’écoute pas comme un single, mais comme une confidence à la sortie d’un bar encore éclairé au néon, une heure trop tard pour mentir et juste assez tôt pour dire vrai.
La production garde l’essentiel : une guitare qui pulse doucement, presque timide, comme si elle ne voulait pas prendre trop de place ; un rythme qui avance sans presser, celui d’un homme qui a compris que courir ne change rien au paysage ; quelques éclats de pedal steel qui servent davantage de lampe de poche que d’ornement. Rien ne déborde. Tout respire. L’économie du geste devient une esthétique.
Smyths ne cherche pas l’émotion — il l’habite. À soixante-quatre ans, il ne joue plus. Il raconte. Et même quand il semble s’adresser à quelqu’un d’autre, on devine qu’il parle surtout à celui qu’il fut : un gamin nourri d’AC/DC, un jeune adulte insatiable, un musicien qui a traversé l’Europe et enregistré des morceaux dans des studios anonymes, un homme qui a perdu du temps, gagné de la lucidité, et décidé que chaque chanson serait désormais un fragment de vérité.
Now I’m Wiser fonctionne comme une épiphanie lente : la maturité n’y est ni posture ni résignation, mais une façon de remercier la vie d’avoir été dure, parce que sans elle, la voix ne tremblerait pas comme ça. Il y a quelque chose d’indestructible dans cette fragilité maîtrisée.
Et c’est précisément là, dans cette ligne de crête entre le souvenir et l’avenir, que John Smyths devient précieux : il rappelle qu’il n’est jamais trop tard pour écrire la bonne chanson, celle qui répare un peu, qui rassemble un peu, qui regarde derrière en avançant devant.
Avec Now I’m Wiser, John Smyths prouve que la country la plus authentique ne dépend ni de Nashville ni de l’âge : elle dépend seulement de la vérité qu’on ose enfin chanter.
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