« Quand la nuit déraille, la musique devient parfois le seul moyen de raconter ce qu’on préfère oublier. »
Alcohol ouvre l’album de Reetoxa comme une déflagration parfaitement assumée : un morceau qui démarre le cœur avant même que l’on comprenne ce qui nous arrive. Pas de mise en condition, pas d’échauffement — une gifle punk-grunge, sèche, nerveuse, taillée pour réveiller les vivants et ressusciter les morts. Et derrière cette énergie brute, une histoire aussi banale qu’universelle : celle d’un type qui ne parvient à aligner deux mots devant une fille que lorsqu’il a assez bu pour oublier qu’il existe.
Ce n’est pas glamour, pas héroïque, pas romancé. C’est humain. Et c’est précisément ce qui donne au morceau sa force : Alcohol ne mythifie rien, il expose. Jason, frontman et narrateur, transforme une nuit de déroute — un one night stand conclu par un réveil dans la périphérie, sans argent ni téléphone, juste une gueule de bois existentielle — en un récit acéré, drôle malgré lui, presque tendre dans sa lucidité. La honte devient moteur, la maladresse devient rythme, la confusion devient danse.
Musicalement, Reetoxa signe ici l’un de ses titres les plus féroces. Les guitares mordent avec une saturation râpeuse qui rappelle autant la rugosité du grunge originel que l’esprit rentre-dedans du punk britannique. La section rythmique pousse tout droit, sans feinte, comme une course maladroite à travers la ville au lever du jour — celle où l’on cherche un taxi, un abri, un sens. Pourtant, malgré cette densité, le morceau garde cette immédiateté, cette facilité à entraîner le corps. On peut y sauter, y crier, y transpirer : c’est lourd, mais ça danse.
Alcohol fonctionne parce qu’il ne triche pas. C’est un titre sur la fuite en avant, sur les limites qu’on franchit juste pour oser exister un peu plus fort, sur la manière dont l’alcool devient parfois pont, béquille, piège. Reetoxa ne juge pas : ils observent, ils transforment, ils amplifient. Ils prennent un moment minuscule de vie dérisoire pour en faire une porte d’entrée brûlante vers le reste de l’album.
En ouverture, c’est un choix magistral : un avertissement, ou plutôt un pacte. Reetoxa promet ici un disque qui n’arrondira rien, un disque qui parlera des failles autant que des forces, un disque qui assumera toutes ses cicatrices. Alcohol n’explique pas : il jette dans l’arène.
Et honnêtement, on n’aurait pas voulu qu’il fasse autrement.
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