« Un retour incandescent où l’élégance new wave flirte avec un groove nocturne, porté par une voix qui revient d’un long silence comme on revient d’un exil intérieur. »
Ultralight ondule d’abord comme un mirage en pleine nuit, une silhouette qui se reforme à contre-jour après huit années de retrait scénique. Kristoffer Grip n’écrit pas seulement une nouvelle chanson : il ressuscite une persona qu’il avait laissée sur scène, presque abandonnée comme un masque trop lourd à porter. Et la retrouver aujourd’hui, c’est assister à une réincarnation furieusement moderne : plus sensuelle, plus obscure, mais étrangement plus libre.
Il y a dans la production ce velours électrique qui rappelle les heures les plus funky de Bowie période Let’s Dance, saupoudré de cette décadence très Roxy Music, suave et légèrement toxique. Le morceau avance avec un pas assuré, presque félin, sculpté par un beat alternatif qui pulse comme une artère brillante sous la peau. C’est dans ce mouvement que Grip cherche son équilibre : un point de gravité entre lumière éclatante et obscurité épaisse, entre élégance ironique et douleur retenue.
La voix, elle, porte l’expérience d’un silence long comme un hiver scandinave. Le timbre est plus charnel qu’à l’époque Agent Side Grinder, moins mécanique, plus humain — un organe qui craque, qui doute, mais qui mord encore. On entend la poussière des routes intérieures, celles qu’on traverse seul, et l’élan encore fragile d’un artiste qui s’avoue vivant avec une sincérité rare. Grip chante comme on confesse un secret : sans fracas mais sans détour.
Ultralight n’est jamais nostalgique. Le morceau est imprégné de références — un éclat de Nick Cave dans la façon de s’accrocher au groove, une ombre de Pulp dans le déhanchement presque disco — mais rien ici n’est pastiche. Tout respire la réappropriation. La production, signée dans la continuité de son premier single solo, glisse des textures synthétiques fines, presque liquides, qui enveloppent la guitare dans un halo nocturne. On traverse une ville imaginaire où les néons se reflètent sur les flaques, où chaque pas fait naître une tension délicieuse.
Techniquement, Ultralight joue la retenue. Pas d’explosion inutile : plutôt une montée en intensité qui se construit par strates, par respirations, par nuances. Les arrangements sont maîtrisés, presque cinématographiques, avec ce sens du détail qui trahit un passé dans la scène post-punk européenne. Grip n’a rien perdu de sa capacité à créer un univers en quelques accords : un monde intérieur, mélancolique, mais gorgé de désir.
Au fond, Ultralight est un autoportrait. Celui d’un homme revenu de tout, mais prêt à danser encore. Celui d’un artiste qui renoue avec son propre feu en marchant sur un fil tendu entre deux abîmes. Et dans cette marche, il retrouve une intensité qu’aucun silence ne pourra plus étouffer.
Un retour classe, animal, profondément habité. Kristoffer Grip n’est pas juste revenu : il brille à nouveau, de cette lumière trouble qui appartient aux survivants.
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