Il y a des chansons qui sonnent comme des portes qu’on claque. Away Away Away n’en fait pas partie. Livingmore, aujourd’hui transplanté du soleil permanent de Los Angeles aux ombres mouvantes de Kyoto, signe un titre qui ne parle pas de partir — mais de s’effacer doucement, comme on se décolle d’un monde trop lourd pour respirer dedans. C’est un morceau-échappée, un rêve lucide qui ne cherche pas la fuite spectaculaire mais la distance nécessaire, ce minuscule interstice où l’on peut enfin se retrouver.
La première seconde dit déjà tout : un riff clair, filaire, presque phosphorescent, qui évoque The Cardigans période power-pop ou les élans cristallins de The New Pornographers. Une énergie lumineuse mais jamais bruyante, un mouvement qui entraîne sans vraiment brusquer. Livingmore maîtrise ce mélange rare : l’élan indie rock doublé d’une douceur presque cinématographique, un sound design qui donne l’impression de marcher dans une ville étrangère au petit matin, encore jetlagué, encore ailleurs.
La batterie avance en battements réguliers, comme une route qui refuse les virages inutiles. La voix — fidèle à l’identité du duo — porte cette nonchalance élégante, cette façon de chanter les blessures en demi-air. Elle s’accroche à des lignes simples mais évocatrices, des mots qui n’en disent jamais trop mais laissent deviner un tumulte intérieur, cette envie de disparaître juste assez pour ne pas sombrer. Escaping reality, comme le dit le groupe, mais avec cette nuance que seul Livingmore sait trouver : la fuite n’est pas un renoncement, plutôt une réinvention.
Et puis il y a Kyoto, même quand elle n’est pas nommée. On entend ses ruelles silencieuses dans les accords suspendus, ses néons discrets dans les synthés pastel, son rythme urbain qui ne ressemble à rien de ce que la West Coast a pu leur offrir. Livingmore a toujours eu un sens instinctif de la nostalgie — mais ici, quelque chose a changé : le passé n’est plus un lieu où l’on retourne, c’est une lumière qu’on laisse derrière soi en avançant.
Away Away Away s’impose comme une carte postale à soi-même, envoyée depuis un lieu où l’on n’a jamais vraiment été, mais que l’on reconnaît pourtant. Une chanson qui danse entre plusieurs époques — l’éclat power-pop des années 90, la douceur indie rock moderne, le grain synthétique presque rétro — et qui trouve sa vérité dans cet entre-deux, à la fois vif et mélancolique.
Livingmore signe ici un titre qui ne fait pas seulement voyager : il déplace. Il décale les émotions, ouvre un sas dans la réalité, offre une respiration longue et chaude. Une chanson pour les nuits où l’on rêve de disparaître sans s’effondrer, pour les matins où l’on veut juste mettre un peu de distance entre soi et le monde. Une pop de fuite, mais une fuite élégante, lumineuse, presque nécessaire.
Un morceau qui ne demande qu’une chose : qu’on le suive — away, away, away.
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