« Ce remix réveille un souvenir collectif et l’habille d’une peau neuve : la mélancolie danse encore, mais cette fois elle a des griffes fluorescentes. »
Il fallait l’audace radicalement décalée, presque mutante, de Reina Alacrán pour oser toucher à Por qué te vas, monument de nostalgie hispanique, et en faire autre chose qu’un simple hommage. Le remix signé Jeanette devient ici un terrain de mutation où la pop française trafiquée, le trap élastique et les pulsations synthpop redonnent à ce classique l’énergie trouble des néons tardifs. On dirait un souvenir mal rangé qui revient avec du gloss sur les lèvres et une cicatrice fraîche sur le cœur.
La voix de Reina glisse dans le morceau comme une ombre familière qu’on ne reconnaît qu’à moitié. Pas de pathos nostalgique : elle préfère la distance ironique, un sourire acide dans la gorge, cette façon presque théâtrale de décaler la gravité pour la transformer en jeu. On entend le fantôme de l’original, oui, mais à travers un filtre numérique qui le tord comme un mur de club où résonne un beat trap discret, posé en basse continue, juste assez pour donner du nerf à la douceur.
Le travail de production infiltre la chanson d’un battement lent et hypnotique, mêlant claviers pastel, trap minimaliste et textures électroniques qui semblent flotter au-dessus d’un souvenir impossible à saisir. Il y a quelque chose de volontairement artificiel, comme si le morceau assumait que la mémoire n’est qu’une projection, une chimère. Reina Alacrán en joue à fond : elle est précisément cette chimère. Un personnage fantasmé, changeant, qui vampirise tout ce qu’elle touche pour le transformer en rituel pop.
Le remix se construit comme une fuite : le tempo reste modéré, mais tout avance, tout glisse, tout s’étire, comme un chagrin qu’on maquille pour lui faire croire qu’il est beau. Les synthés y jouent des lignes presque naïves, comme un jouet musical qui se serait rebellé. Jeanette les polit avec une élégance synthpop très 2025, donnant à l’ensemble un mélange rare de tendresse et d’impertinence.
Et puis il y a ce moment, au deux tiers du morceau, où les voix se rapprochent, se superposent, et où la chanson semble soudain flotter hors de son axe. On dirait une scène de film où l’on comprend enfin que l’amour qu’on poursuit n’est qu’une image, et que la danse continue malgré tout — mécanique, fragile, magnifique.
Por qué te vas (Remix by Jeanette) n’est pas un hommage : c’est une recréation, une appropriation totale, une réinvention qui transforme la chanson en fiction pop adolescente, en souvenir trafiqué, en explosion pastel. Un morceau qui danse sur les ruines d’un adieu, mais avec un tel panache qu’on en redemande.
Reina Alacrán n’existe peut-être pas, comme le dit sa bio — mais sa musique, elle, frappe comme un mirage réel. Une idée qu’on rêve… et qu’on écoute encore, juste pour vérifier qu’elle ne s’évapore pas.
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