« Une danse électrique sous un néon qui clignote, où chaque pulsation devient une question : qu’est-ce qu’on nous vend quand on nous parle d’authenticité ? »
Le nouveau single de Sliims n’a rien d’un pamphlet déguisé : c’est une incision nette, presque chirurgicale, dans le ventre mou d’un système qui préfère ses citoyens dociles, distraits, bien rangés dans leurs flux et contre-flux. Authentic est une claque sonique, mais une claque froide — celle qui ne brûle pas, qui réveille.
Le duo londonien, façonné par l’amitié d’enfance mais animé par deux instincts contraires — l’un fiévreux, presque paranoïaque, l’autre méthodique et scalpel en main — construit ici un morceau où la tension n’est jamais relâchée. On sent la filiation : l’arrogance élégante de New Order, la nervosité de Joy Division, l’indiscipline de Warmduscher, les couches abrasives de Young Fathers. Et pourtant, Authentic n’imite personne. Il avance comme une créature mutante, mi-synthétique mi-humaine, inspirée par la rue, la surveillance, les écrans qui clignotent et les silences lourds des portes fermées.
J’ai ressenti ce morceau comme une marche dans Londres à 3h du matin : trottoirs humides, auberges encore ouvertes, silhouettes qui ne regardent jamais vraiment en face. La basse pulse comme une veine trop tendue, les synthés shoegaze construisent un halo menaçant, et la voix de Louie — nerveuse, presque théâtrale — ressemble à un rapport d’enquête qu’on lirait à voix haute, sans lever les yeux du papier. Sa vie de détective privé se sent dans chaque respiration : ça observe, ça note, ça soupçonne.
Quant à Baz, il tisse un décor sonore où chaque fréquence semble consciente d’un danger latent. Les textures électroniques, jamais totalement propres, flirtent avec une crasse industrielle qui rappelle les nuits trop longues et les vérités trop lourdes. L’ensemble devient une danse mécanique, post-punk dans l’âme, indie-electronic dans la forme, shoegaze dans la façon dont ça enveloppe l’auditeur comme un brouillard toxique.
Ce qui me fascine dans Authentic, c’est sa lecture politique qui n’a rien d’un manifeste. Le morceau parle depuis l’autre côté du pouvoir — le côté des bureaux capitonnés, des décisions prises sans témoins, des stratégies à huis clos. C’est une chanson écrite depuis la voix de ceux qui façonnent le réel et qui nous préfèrent distraits, atomisés, occupés à mesurer notre visibilité comme s’il s’agissait de valeur.
Les lignes dures — « ils ne veulent pas qu’on se connecte », « ils ne nous veulent pas authentiques » — résonnent comme une vérité trop simple qu’on avait cessé de regarder. Le système n’est pas brisé : il opère exactement comme prévu. Et Sliims transforme cette idée en une pulsation qui traverse le corps autant que l’esprit.
Mon impression finale : Authentic agit comme un scanner social. Une chanson-sirène, une alerte qui se danse, une lucidité en 4/4. Elle ne gueule pas — elle persiste. Et c’est peut-être ça, la vraie subversion.
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