« Un morceau qui ne raconte pas l’espace, mais la façon dont on s’y perd pour mieux se retrouver. »
On ne croise pas tous les jours un artiste qui traite la pop comme un artefact gnostique tombé du ciel. Jesus The Apollo, lui, s’y engouffre avec une dévotion presque sacrée. The Moon Man! sonne comme un opéra lunaire compressé dans un single : théâtral, exubérant, traversé de visions symbolistes et pourtant taillé pour secouer une piste de danse éclairée au néon. Derrière la folie douce, l’élan rétro et les clins d’œil 80s, il y a une vraie recherche métaphysique, presque une science alternative de la vibration.
La première écoute donne l’impression d’atterrir quelque part entre un carnaval astral et une cérémonie occulte pop. Les synthés, légèrement dissonants mais irrésistibles, évoquent ces génériques VHS de films fantastiques où l’ironie n’enlève rien à la poésie. La voix, elle, joue l’excès de style avec un aplomb délicieusement surjoué, comme un personnage de scène qu’on devine maquillé d’argent, le sourire tendu vers une lune imaginaire. On sent la fascination, presque enfantine, pour le kitsch noble des productions eighties — mais aussi un soin minutieux, une volonté de donner une matière sonore habitable, rémanente.
Là où le titre devient singulier, c’est dans la manière dont il s’empare de sa symbolique cosmologique. The Moon Man! n’invoque pas la lune et le soleil comme simples décors, mais comme forces actives, presque sentientes, qui dialoguent entre elles dans une danse d’énergie. L’astre nocturne juge, reflète, dévoile ; le soleil redresse, éclaire, réancre. Entre les deux, l’être humain flotte, oscille, cherche son orbite intérieure. Ce n’est pas seulement une chanson : c’est un petit traité ésotérique déguisé en tube pop, une tentative de cartographier l’invisible en rythmes et en images.
Le morceau touche surtout dans cette façon d’opposer une esthétique volontairement flamboyante à une quête intime de clarté. Sous les couches de production excentriques — Hunter Fortune signant une base instrumentale presque cinématographique — se cache une lutte contre la gravité des cycles : les schémas, les répétitions, les héritages karmiques qui nous tirent vers le bas. Le refrain agit comme une catharsis, un cri maquillé en ritournelle, où l’on sent le besoin urgent de s’extraire du labyrinthe, d’élever un peu le taux vibratoire de l’existence.
Écrit pendant une période d’Halloween, le titre en porte l’empreinte : un goût du dramatique, du bizarre, du surnaturel assumé. Mais plutôt qu’un simple décor gothique, Jesus The Apollo y injecte un humour mystique et une intensité émotionnelle inattendue. C’est un morceau qui joue avec les archétypes comme on manipule des cartes de tarot, pour éclairer autre chose : le chemin intérieur, l’effort de se tenir hors de la répétition, l’envie secrète de devenir plus vaste que ses limites.
The Moon Man! brille surtout par cette alliance improbable entre la pop et la métaphysique, entre l’exubérance et l’examen de conscience. Une chanson qui fait danser la tête autant que le corps, et où l’on a l’impression d’être entraîné dans un rituel extraterrestre orchestré depuis un appartement mancunien.
À la surface, c’est fun, étrange, hyper stylisé. En profondeur, c’est un appel au ré-alignement. Entre les deux, ça devient inoubliable.
Pour découvrir plus de nouveautés RAP, HIP-HOP, TRAP et DRILL n’hésitez pas à suivre notre Playlist EXTRAVARAP ci-dessous :
